Sida, combien coûtent nos (vieilles) vies ?

Permanence Droits Sociaux

Comme chaque année à l’approche du 1er décembre la Permanence droits sociaux d’Act Up-Paris présente son Rapport d’activité intermédiaire. Cette année nous adoptons un nouveau format de présentation. Nous vous invitons à visualiser les vidéos au bas de cet article.

VISUEL 2017 PERMANENCE DROITS SOCIAUX ACT UP-PARISLa donne thérapeutique a commencé à changer en 1996 avec l’apparition des nouveaux traitements et en 1998 nous étions à un tournant important de la lutte. Nous avions alors conçu cette Permanence pour veiller et maintenir l’accès aux soins et aux droits des PVVIH* . Et par la suite nous assurer qu’elles restaient logées à Paris. C’était le volet « Vivre Avec ».

Nous sommes à un autre tournant du « Vivre Avec » qui est le pari de bien « Vieillir Avec » malgré l’âge l’infection et les comorbidités souvent sévères. Les PVVIH vieillissantes ont des difficultés supplémentaires pour réagir. Elles en deviennent vulnérables et pourtant ont souvent du mal à demander de l’aide.

L’évolution des grilles du guide-barème appliquées par la MDPH*, l’oubli d’outils comme la règle de Balthazar qui permet de voir les difficultés et handicaps d’une personne dans leur globalité, rendent de plus en plus restrictif l’accès au dispositif et les PVVIH ne rentrent plus toujours dans le cadre.

Au fil des années le certificat médical administratif qui permet d’obtenir l’Allocation Adulte Handicapé ou la carte d’invalidité n’a cessé d’évoluer vers un certificat/questionnaire utilisé à l’époque pour les dossiers d’allocation compensatrice tierce personne, dispositif qui a évolué vers la prestation de compensation du handicap en 2005.

A chaque fois il faut disserter et développer de nouveau, encore une fois, sur notre maladie et toutes nos difficultés comme si nous allions mieux. Et malgré une charge virale indétectable.

Et pour peu que le certificat médical ne soit pas explicitement rempli par le médecin (pour qui nous ne le disons jamais assez, le seul fait de nous maintenir en vie est déjà un vrai succès) qui ne voit plus tout à fait les retentissements et les handicaps et le dossier est retoqué. Il faut tout recommencer et en moyenne nous perdons 12 mois.

Des nouveaux pourtant déjà malades ne rentrent plus dans le dispositif et quelques anciens en sont régulièrement exclus aussi alors que leur situation ne s’est améliorée en rien avec l’âge, bien au contraire.

Quant à ceux qui ont construit leur vie en France depuis des années à qui l’AAH est refusée lors du renouvellement, ils se retrouvent avec le problème de reconduction de leur titre de séjour.

Certains disent « on nous vole notre maladie ». L’image est très puissante. D’autres traitent la société « d’ingrate amnésique » du fond de leur solitude de précaires.

D’autres réclament surtout « la guérison » …

« Vieillir Avec » ce sont de nouveaux défis. Mais des vrais défis qui sont les nôtres.

Pas ceux du type « On vit mieux avec, c’est chronique », qui sont des mots cruels pour les séropos sans arrêt sujets à des pressions de tous types. Dont l’exclusion.

Un dossier MDPH refusé, une liquidation d’invalidité qui traîne ou une pension de retraite qui n’est pas encore versée sont autant de motifs d’angoisse qu’il faut résoudre rapidement. Et puis il y a les problèmes matériels.

Ceux contraints de lâcher prise ne pourront pas faire neutraliser par la CAF* les ressources provenant du travail malgré leur RQTH*. Le cycle infernal recommencera puisqu’ayant travaillé ils seront pendant longtemps regardés comme « employables » par la CDAPH*. Mais le sont-ils vraiment ?

Et ceux qui ont besoin de lien social et qui ont une occupation faiblement rémunérée se retrouvent dans la même situation. Sans évoquer toutes les difficultés techniques que nous avons nous-mêmes pour faire rétablir des droits quand ils ont été perdus.

Les usagers salariés peinent à rester logés dans le privé à Paris et quand les salaires sont proches des minima sociaux cela est impossible. Même ceux qui ont des salaires supérieurs à la moyenne (en hausse cette année) ou encore qui sont propriétaires ont des difficultés. Leur reste à vivre est parfois minime.

Les PVVIH au Rsa ne sont pas logeables en l’état. Nous sommes contraints d’attendre une évolution de leurs ressources avant de pouvoir lancer un dossier logement qui tienne la route.

Malgré toutes nos tentatives nous ne pouvons toujours pas répondre à l’urgence.

D’autres usagers viennent nous voir pour des conseils, pour un prêt personnel, le choix d’une mutuelle.

Et aussi pour obtenir des informations sur leur retraite voire sa liquidation, le minimum vieillesse ou l’articulation MDPH/CNAV*. Les usagers poussent notre porte toujours en dernier recours. Nous connaissons certains depuis la création de cette permanence.

En matière de santé nous sommes inégaux et toujours seuls. Chacun d’entre nous a son propre parcours. Chacun a sa limite.

On nous parle d’une revalorisation de l’AAH mais ne nous réjouissons pas trop vite car nous savons bien que cette revalorisation ne se fera qu’au bénéfice de nouvelles exclusions.

Sida, combien coûtent nos (vieilles) vies ?