Notre corps cohabite avec de nombreux micro-organismes, mais tous ces microbes ne sont pas pour autant les bienvenus. D’un côté, ils sont associés à des pathologies plus ou moins invalidantes, mais de l’autre, ils s’avèrent indispensables pour l’équilibre de notre corps, notamment du tube digestif et plus particulièrement au niveau intestinal qui est le siège d’un assaut spécifique lors de l’infection par le VIH.
Microbes en tout genre
Sous le terme de microbes, on regroupe plusieurs types d’organismes vivants de petite taille que l’on ne peut pas voir à l’œil nu. On les appelle aussi des micro-organismes. Ils comprennent de multiples types et parmi les plus connus, il y a les bactéries. Cependant, la liste des différents types de micro-organismes est longue et comprend des êtres constitués de plusieurs cellules ou bien d’une seule, comme pour les bactéries, et aussi bien des plantes que des animaux. Afin de ne pas alourdir notre propos, nous ne les listerons pas tous, ni ne les définirons, mais notons que champignons, levures, plancton et amibes, par exemple, sont des micro-organismes. Les virus n’étant pas considérés comme des êtres vivants ne sont pas comptés au titre des micro-organismes.
Un foisonnement de microbes
Les microbes existent depuis bien plus longtemps que nous et sont capables de s’adapter aux environnements les plus diversifiées, voire les plus hostiles. Ceux qui nous intéressent sont ceux qui vivent avec nous, puisque chaque être humain en contient un nombre environ dix fois supérieur à celui de nos propres cellules[[Notre corps est constitué d’environ 10 puissance 14 cellules humaines, soit un nombre qui s’écrit avec un 1 suivi de 14 zéros.]].
De nombreux microbes vivent à la surface de notre corps, mais aussi à l’intérieur dans notre tube digestif où ils constituent ce que l’on appelle la flore intestinale. La plupart des microbes sont retrouvés vers l’extrémité finale du tube digestif où leur rôle est crucial. Pour donner un ordre de grandeur, notre tube digestif comporte entre 10 puissance 13 et 10 puissance 14 microbes, ce qui fait un kilogramme, voire plus, de masse biologique d’origine extérieure.
Acquise à la naissance, la flore intestinale évolue rapidement lors de la première année – il y a aussi des différences de composition selon le type d’allaitement, au sein ou artificiel. Chez l’adulte, la flore comporte plusieurs centaines d’espèces différentes de micro-organismes en équilibre entre elles. Elle est relativement stable, quoique des perturbations puissent se produire en fonction des changements alimentaires, de l’apparition de maladies et de la prise d’antibiotiques.
Répartition des microbes dans le tube digestif
Le tube digestif humain se compose de la bouche, l’estomac, le petit intestin ou intestin grêle constitué du duodénum, du jéjunum et de l’iléon, et du gros intestin comprenant le caecum, le côlon et le rectum, puis l’anus. Dans l’estomac et l’intestin grêle, on retrouve très peu de flore microbienne. La forte acidité de l’estomac réduit celle-ci au minimum, puis les quantités croissent plus on descend dans l’intestin grêle – une distance de 5 mètres minimum. Ce n’est que dans le gros intestin que la flore explose, notamment les bactéries, à cause du ralentissement du transit intestinal à ce niveau.
Une cohabitation en général réussie
Même s’il est d’usage d’associer le terme de microbe à la maladie, cela ne veut pas dire pour autant que cette cohabitation va être mauvaise pour nous. Ainsi, par exemple, 1 % seulement des variétés de bactéries sont considérées comme capables d’induire une maladie dans notre organisme. Les bactéries ne sont pas les seuls micro-organismes à investir notre corps et les champignons, par exemple, peuvent parfois nous donner aussi du fil à retordre.
Globalement, l’équilibre atteint entre nos cellules humaines et ces micro-envahisseurs est à l’avantage des deux parties. Pour les microbes, leur survie et multiplication sont assurées grâce aux nombreux éléments nutritifs que nous leur fournissons, et nous leur assurons une dissémination nécessaire. De notre côté, cela nous permet de survivre, notamment en diversifiant notre alimentation. En effet, sans la flore intestinale capable de transformer les molécules de certains aliments, nous n’arriverions pas à les absorber, ni à les transformer en source énergétique.
Le bénéfice ne s’arrête pas là. Les microbes intestinaux jouent un rôle dans la digestion et le stockage des acides gras, et dans diverses fonctions de nos cellules, notamment dans la multiplication cellulaire et la spécialisation. Ils assurent aussi, paradoxalement, notre protection vis-à-vis des agents pathogènes.
Une protection contre les agents pathogènes
Les bactéries résidant dans la flore comme les Bifidobacterium et Lactobacillus protègent contre les infections opportunistes et jouent ainsi le rôle de barrière microbienne contre les microbes pathogènes. Les cellules bordant l’intestin et en contact avec la flore microbienne constituent, elles, une barrière physique protégeant le tissu ainsi délimité. Le terme savant pour désigner ces cellules qui bordent un tissu est épithélium.
L’épithélium est constitué de cellules spécialisées, proches les unes des autres, ce qui permet effectivement d’établir une barrière efficace entre deux compartiments. La structure d’un épithélium diffère d’un tissu à un autre. Celle de l’intestin se présente sous la forme de repliements multiples, encore appelés villosités. Certaines des cellules de cette barrière[[Appelées cellules caliciformes (goblet cells en anglais)]], sécrètent un mucus qui recouvre la barrière et limite ainsi les contacts avec les agents microbiens. On y trouve aussi des cellules dites de Paneth qui produisent des agents anti-microbiens. Au-delà de cette barrière, côté tissulaire, d’autres types cellulaires variés résident, dont des cellules participant aux défenses immunitaires (voir chapitre suivant).
C’est par le contact direct entre micro-organismes et cellules de l’épithélium intestinal[[mais aussi de facteurs diffusibles pouvant atteindre les cellules au-delà de la barrière épithéliale]], que de nombreuses réactions moléculaires sont mises en jeu pour orchestrer la protection des tissus digestifs. Ces mécanismes sont en partie décryptés : production de bactéricides, production de signaux pro-inflammatoires précisément dosés pour éviter que la machine s’emballe, et production d’anticorps via les lymphocytes[[Types de globules blancs spécialisés dans la défense immunitaire de l’organisme existant sous deux formes : les T responsables de l’immunité cellulaire (réponse des cellules aux antigènes, des fragments de corps étrangers à notre organisme) et les B producteurs d’anticorps et donc associés à l’immunité dite humorale.]] de type B, principalement des immunoglobulines de type A (IgA). Ce sous-type d’immunoglobulines est produit au niveau des muqueuses où elles vont se lier aux microbes, en les agglutinant, pour empêcher leur entrée dans le tissu. Elles peuvent aussi reconnaître des virus et empêcher leur passage au travers des cellules de la barrière digestive. La participation des lymphocytes T à la mise en place et au maintien de l’équilibre entre microbes et hôte commence à être élucidée.
A retenir
Grâce à des mécanismes moléculaires complexes partiellement élucidés, un équilibre s’établit entre les micro-organismes de la flore intestinale et les tissus adjacents au bénéfice des deux parties. Au-delà de l’aide métabolique apportée par les micro-organismes pour faciliter la digestion et l’assimilation de notre nourriture variée, les microbes participent aussi, paradoxalement, à lutter contre l’invasion de notre organisme par d’autres micro-organismes à caractère pathogène.