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Nous sommes peu à pouvoir contrôler spontanément notre charge virale à long terme en l’absence de traitement antirétroviral et encore moins à pouvoir la maintenir ainsi en dessous du seuil de détection standard. Un des facteurs responsables de ce contrôle serait un défaut de fonctionnement d’un des produits des gènes du VIH.

En l’absence de traitement antirétroviral, lorsque notre charge virale plasmatique est inférieure à 50 copies par millilitre sur long terme, nous pouvons recevoir l’appellation de contrôleurSE d’élite. Cette notion repose sur une définition tenant compte de la charge virale et non du nombre de CD4. Il existe aussi un nombre beaucoup plus important d’entre nous appelés non progresseurSEs à long terme terme qui repose sur un taux de CD4 stable dans la durée (plus de 10 ans). Le groupe des contrôleurSEs d’élite n’est pas complètement inclus dans celui des non progresseurSEs à long terme, car, malgré une charge virale indétectable, quelques contrôleurSEs d’élite peuvent voir leur CD4 baisser en dessous du nombre normal au cours du temps.

L’origine de ce contrôle spontané et durable de la charge virale n’est pas entièrement élucidée, mais repose sans doute à la fois sur des caractéristiques de l’organisme et du virus lui-même. Jusqu’ici les études se sont majoritairement concentrées sur les éléments propres à notre organisme qui pourraient faciliter ce contrôle, avec notamment des éléments de réponse trouvés au niveau du complexe majeur d’histocompatibilité (système HLA), de la réponse immune innée, de la réponse immune assurée par les lymphocytes CD4 et CD8 et du corécepteur de surface cellulaire CCR5.

Dans un article publié dans la revue PLoS Pathogens en avril 2009, plusieurs groupes de chercheurSEs américainEs se sont intéressés à la composante virale qui permettrait d’expliquer ce contrôle.

Jusqu’ici le séquençage des gènes du virus chez les contrôleurSEs d’élite n’a pas permis de mettre en évidence de différence génétique virale commune par rapport aux non contrôleurSEs. Par contre, ces études ont mis en évidence une moins grande variabilité des sous-types de virus chez les contrôleurSEs. Lorsqu’une infection progresse, les sous-populations virales sont nombreuses et évoluent au cours du temps, ce qui conduit à l’existence de multiples séquences virales détectables et une dérive progressive par rapport à la souche responsable de l’infection initiale. Le constat d’une moindre variabilité chez les contrôleurSEs d’élite suggère que leur virus s’adapte moins bien à l’organisme et qu’il est plus proche de la souche initiale. La piste génétique n’ayant pas permis d’expliquer cette différence, les scientifiques se sont orientéEs vers la recherche de différences fonctionnelles.

L’enveloppe des élites

Plus spécifiquement, les chercheurSEs de l’article cité se sont intéresséEs à un gène du VIH-1 appelé env. La protéine pour laquelle code ce gène correspond à la glycoprotéine d’enveloppe, une molécule du virus qui lui permet d’interagir avec la surface des cellules (qui reconnaissait le récepteur CD4 et le corécepteur CCR5) et de faciliter ainsi l’insertion virale dans celles-ci pour les infecter. Grâce à de nouveaux tests cellulaires plus sophistiqués, les chercheurSEs ont pu évaluer la capacité d’infection de souches de VIH d’origine différente (contrôleurSEs d’élite, ‘progresseurSEs’ chroniques et personnes infectées en phase aiguë). Ils/Elles ont utilisé des cellules voulues comme représentatives de celles infectées dans l’organisme et que l’on peut manipuler pour jouer sur le nombre de récepteurs CD4 et CCR5 qu’elles expriment à leur surface. Ce qui ressort de l’étude citée, c’est que les virus isolés des contrôleurSEs d’élite[[Echantillon de 38 séquences différentes du gène env provenant de sept personnes.]] ont des capacités amoindries pour interagir avec le récepteur CD4 et le corécepteur CCR5 par rapport à des virus de personnes infectées de façon chronique qui ne contrôlent pas la virémie[[Echantillon de 32 séquences différentes du gène env provenant cette fois de sept ‘progresseurSEs’.]]. L’étape suivante après l’interaction avec ces récepteurs est la fusion[[Voir aussi notre article sur les nouvelles données pour la fusion.]] des membranes de la particule virale et de la cellule pour permettre au matériel génétique du VIH de pénétrer dans la cellule. Là aussi, la cinétique de fusion est altérée : elle est plus lente chez les contrôleurSEs d’élite que chez les infectéEs chronique non contrôleurSEs. Les chercheurSEs montrent alors que ces caractéristiques corrèlent avec une capacité de réplication réduite dans les tests cellulaires réalisés en laboratoire. Au passage, ils/elles ont aussi comparé les caractéristiques d’entrée via le produit du gène env pour des souches virales isolées lors d’une infection aiguë[[Echantillon de 23 séquences différentes du gène env provenant de 20 personnes.]] et constaté que celles-ci sont intermédiaires entre celles des contrôleurSEs d’élite et des infectéEs chroniques ‘progresseurSEs’ – la palette des variations est telle qu’il n’est pas possible de les rapprocher du groupe des contrôleurSEs d’élite ou de celui des ‘progresseurSEs’.

Quel est le message ?

Cette étude fournit, d’après ses auteurEs, la première preuve directe qu’une diminution de la fonctionnalité de la protéine du gène env est une caractéristique des contrôleurSEs d’élite et que ceci pourrait contribuer à la suppression virale constatée. Il n’est pas encore possible de savoir si les contrôleurSEs d’élite ont contracté un variant du VIH-1 moins adapté d’emblée ou si les variants moins adaptés et non diversifiés observés sont sélectionnés précocement après l’infection. Quelle que soit l’explication, ceci suggère que les contrôleurSEs d’élite doivent toujours rester vigilantEs en terme de contamination possible par un nouveau virus – même s’il est très probable que le contrôle durable de la virémie résulte de tout un ensemble de facteurs, viraux et de l’organisme.