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Tant que l’usage de ce qu’on appelle « drogues » restera interdit par la loi et passible de sanctions pénales, la situation des usagers de drogues à l’égard du système de soins restera ambiguë et incertaine. L’accès aux soins des usagers de drogues pose deux problèmes : celui du secret médical (les médecins et le corps soignant sont-ils tenus de garder secret ce qu’ils savent de vos consommations, même si elles sont réprimées par la loi ?) et celui de l’aide et des soins auxquels peuvent prétendre les usagers de drogues « actifs », qui consomment plus ou moins quotidiennement des produits interdits (l’usage de drogues dans un service hospitalier peut-il par exemple justifier l’expulsion d’un malade ?).

On ne peut malheureusement pas apporter de réponses claires à ces questions : la situation diffère selon le type de structure de soins (structures d’accueil bas-seuil d’usagers de drogues, centres spécialisé de soins aux toxicomanes (CSST), hôpitaux, cabinets de ville, etc.) ; elle peut aussi changer considérablement d’un centre d’accueil ou d’un service à l’autre.

Secret médical ou soins sous couvert d’anonymat

Les médecins et les membres du corps soignant sont tenus au secret médical. Ils ne peuvent pas faire usage de ce qu’ils savent de vous ni sur le plan médical, ni sur le plan social, sauf dans des cas très particuliers où la loi leur impose de déclarer ce qu’ils savent (sévices à enfants, etc.).

Il faut cependant savoir que le secret médical peut être levé dans le cadre d’enquêtes sur trafic de stupéfiants : un juge enquêtant sur un réseau de revente, par exemple, est habilité à réquisitionner des dossiers médicaux d’usagers de drogues, quand bien même le médecin qui les détient refuserait de lui transmettre en vertu du secret médical.

La seule manière d’échapper à ce type de risque est donc d’entrer dans un programme de soins sous couvert d’anonymat total, c’est à dire d’éviter ou de refuser de décliner son identité. Cette possibilité existe dans certains cas, la loi de 1970 de lutte contre la drogue et la toxicomanie (loi n° 070-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses, JO du 03 janvier 1971) prévoyant pour les usagers de drogues la possibilité de recourir au système de soins sous le régime de l’anonymat.

Les Centres d’accueil et de réduction des risques « bas-seuil » d’usagers de drogues (bus de prévention, « Boutiques », etc.) proposent généralement leurs services (échange de seringues, pause-café, permanence sociale, etc.) sans exiger des usagers qu’ils déclinent leur identité.

Les Centres Spécialisés de Soins aux Toxicomanes (CSST) sont soumis au régime de la loi de 1970 : les soins et services qui y sont dispensés sont gratuits, et on y autorise en principe l’anonymat. Ces centres proposent généralement des accompagnements au sevrage et des traitements de substitution (à la méthadone notamment), mais également des suivis social et psychologique, ainsi que des consultations de médecine générale. L’entrée sous couvert d’anonymat total doit cependant faire l’objet d’une demande expresse (orale ou écrite). Dans le cas contraire, un dossier sera établi à votre nom.

Si vous êtes déjà suivi dans un CSST et souhaitez bénéficier de la procédure d’anonymat, le seul moyen est de demander à en sortir et à y re-rentrer sous couvert d’anonymat total, sous réserve que le CSST où vous êtes suivi l’accepte.

Ni l’hôpital ni la médecine de ville ne permettent la dispensation de soins sous le régime de l’anonymat, sauf exception très particulière (l’accouchement sous X par exemple). Etant donné que ces soins sont pris en charge par la Sécurité Sociale, ils doivent être nominatifs.

NB : Beaucoup d’usagers de drogues, par crainte des poursuites ou de peur de s’exposer à des problèmes, choisissent de ne pas parler de leurs consommations illicites à leur médecin. Les interactions entre drogues et traitements médicaux sont pourtant toujours possibles, même si elles sont mal connues. Elles peuvent vous mettre en danger ou vous exposer à de graves problèmes de santé. Lorsque vous êtes sous traitement, évitez de prendre des drogues. Si vous ne pouvez pas faire autrement ou choisissez d’en prendre, parlez-en absolument à votre médecin. Depuis une dizaine d’années, les mentalités ont considérablement changé. Les médecins plus tolérants et/ ou mieux avertis sont plus nombreux. Cette recommandation concerne aussi les produits de substitution.

Le droit des malades usagers de drogues

Un usager de drogues a-t-il les mêmes droits qu’un autre patient ou faut-il qu’il choisisse entre consommation de drogues illicites et accès aux soins à l’hôpital ?

Il arrive que des usagers de drogues admis dans des établissements de soins ne soient pas considérés comme des patients comme les autres et qu’on les reçoive comme des « malades de la drogue », quand ils demandent à être pris en charge pour d’autres pathologies ou problèmes somatiques. Certains usagers ont pu par ailleurs être menacés d’expulsion, parce qu’ils consommaient des produits illicites durant leur hospitalisation. Les problèmes ne sont pas rares, et les pratiques varient énormément d’un établissement ou d’un médecin à l’autre.

On peut cependant rappeler quelques principes.
L’admission

Le refus d’admission dans un service d’urgence est interdit par la loi, dès lors qu’il y a danger pour la santé de la personne.
La consommation dans les services de soins

La loi du 30 juin 1975, relative aux institutions sociales et médico-sociales impose à tous les établissements (y compris les CSST) d’avoir un règlement intérieur et de l’afficher. Ces règlements stipulent généralement que l’introduction de drogues et/ ou d’alcool n’est pas autorisée dans les locaux, et que la violence n’y est pas tolérée.

La consommation de produits illicites étant interdite, elle l’est par conséquent aussi dans les établissements de soins : il n’existe pas à l’heure actuelle en France, au moins de façon officielle, de « salles de shoot » ou d’autres lieux équivalents où la consommation de drogues serait autorisée.
Les consommations parallèles au traitement ou aux soins, le contrôle des consommations

La tolérance à l’égard des consommations illicites (effectuées hors des locaux) varie avec le type de structure et les établissements.

Les centres d’accueil bas-seuil sont tenus d’accueillir des usagers « actifs », ils ne peuvent donc pas vous reprocher de consommer en dehors de leurs locaux.

Dans certains établissements, hôpitaux ou cabinets médicaux, la reprise ou le maintien de consommations illicites, parallèlement au traitement ou aux soins, peut motiver une exclusion. Le règlement intérieur ne le précise pas nécessairement : d’une façon générale, aucun texte n’empêche ni n’impose ce type d’exclusion. Mais si la vie ou la santé du patient est en jeu, l’exclusion serait contraire aux règles de déontologie des établissements de soins.

La vocation des CSST est d’aider les personnes qui le demandent à arrêter la consommation d’un produit. On imagine bien par conséquent que continuer ou recommencer à consommer ce produit pendant le suivi ou le traitement pourra poser des problèmes. Mais rien n’impose de vous exclure pour cette raison.

Certains établissements (CSST, services hospitaliers) pratiquent des tests urinaires ou sanguins, pour y chercher la trace de consommations et contrôler les déclarations de leurs patients usagers de drogues. Si ces pratiques sont moralement douteuses, aucun texte ne semble ni les interdire ni les imposer.

Renseignez-vous autant que possible sur les pratiques de l’établissement, au moment où vous y entrez.

La substitution

Si une hospitalisation vous impose d’arrêter votre consommation (soit que le règlement intérieur l’impose, soit que vous ne puissiez plus vous procurer de produits) et si cet arrêt doit entraîner des problèmes de manque, vous êtes en droit de demander un traitement de substitution (si vous êtes en manque d’opiacés) ou des médicaments contre la douleur.

Tout médecin peut en principe vous prescrire du Subutex. Faites attention cependant aux effets antagonistes du produit : l’administration de buprénorphine chez un consommateur d’opiacés peut, du fait de son effet antagoniste sur les récepteurs, induire un état de manque dans les 48 h.

Les médecins hospitaliers n’ont pas le droit d’initier une prescription de méthadone, ils ne peuvent que relayer une prescription initiée dans un centre spécialisé (CSST). Dans certains cas, un arrangement est cependant possible avec le CSST local. Un recours aux services de l’ECIMUD sera toujours utile : ces services sont chargés entre autres d’organiser le relais des prescriptions de méthadone pour les personnes hospitalisées. Le droit d’initier une prescription de méthadone devrait bientôt être élargi aux médecins hospitaliers.

Les pharmacies des hôpitaux disposent également de sulfates de morphine.

L’accès aux traitements

Les usagers de drogues sont souvent considérés comme peu « observant » ou respectant mal les consignes de traitement. Un certain nombre de drogues (licites ou illicites, l’alcool et la cocaïne notamment) étant connues par ailleurs pour abîmer le foie, beaucoup de médecins hésitent à prescrire des traitements (de l’hépatite, notamment) aux usagers de drogues « actifs », qui continuent à consommer.

L’attitude des médecins évolue cependant, et toute situation doit pouvoir être négociée. Quelles que soient vos habitudes de consommation, il est important que vous soyez suivi et soigné. En cas de refus de soins motivé par vos habitudes de vie ou votre consommation, n’hésitez pas à contacter Act Up-Paris.

Le traitement de la douleur

A une époque où la sensibilisation au traitement de la douleur est en train de porter ses fruits, rien n’empêche que les malades usagers de drogues bénéficient de ce progrès.

Cependant, pour que le traitement reste efficace et qu’il ne présente pas de danger pour vous, vos consommations parallèles et/ ou votre tolérance aux opiacés devront être prises en compte. Faites état notamment de vos consommations d’opiacés (risques d’overdose lors du cumul morphine + héroïne ou méthadone, risques de crises de manque lors du cumul morphine + Subutex).
En cas de problème, si vous êtes hospitalisé :

Un certain nombre d’hôpitaux disposent d’Equipes de Coordination et d’Intervention Mobile auprès des Malades Usagers de Drogue (ECIMUD). Il s’agit d’équipes pluridisciplinaires, rattachées notamment aux Unités d’Immunologie clinique, constituées de médecins et de personnels soignants. Leur objectif est de faciliter la coordination des soins pour les malades usagers de drogue, de soutenir et conseiller les services cliniques sur les particularités de la prise en charge de ces patients (adaptation de traitement, problèmes relationnels, sevrage, mise en route de traitement de substitution), d’informer et de former l’ensemble des personnels de l’hôpital, et d’être un relais avec les professionnels de ville. Les personnes qui travaillent dans ces équipes connaissent généralement mieux les problèmes rencontrés par les usagers de drogues que le reste des personnels hospitaliers. Renseignez-vous sur l’existence d’un ECIMUD au sein de l’établissement où vous êtes hospitalisé. N’hésitez pas à y recourir.

Si vous vous estimez l’objet de discriminations ou avez connaissance d’atteintes aux droits, à la dignité ou à la vie privée de personnes usagers de drogues, vous pouvez également contacter :

L’Observatoire du Droit des Usagers de Drogues

c/° Asud National

204-206 rue de Belleville, 75020 Paris.

Tel : 01 43 15 00 66. Email : infos@asud.org