Ce mardi 26 juillet, cela fera 4 ans que Nicolas Sarkozy tenait un discours à Dakar posant les bases de nouvelles relations France-Afrique. A cette occasion, Act Up-Paris rappelle l’impact de ce discours, notamment en matière de lutte contre le sida en Afrique et d’immigration et appelle les partis à formuler pour 2012 des projets de politique internationale qui en finisse avec le racisme, le colonialisme, l’obscurantisme et le pillage.
Dans cette allocution, écrite par Henri Guaino, Nicolas Sarkozy officialisait une vision raciste et néocolonialiste des relations entre la France et les pays africains. Il y dédouanait la France de ses responsabilités dans l’impact de plusieurs siècles d’esclavage et de colonisation. Il y affirmait : «le colonisateur a donné aussi. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu féconde des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir.». Il prétendait que «l’homme africain n'(était) pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles». Et il offrait bien entendu l’aide désintéressée de la France pour aider « l’homme africain » à entrer dans l’histoire.
Historien-nes, intellectuel-les, citoyen-nes, ONG : les réactions furent nombreuses à condamner ce discours et à en démontrer la fausseté. Mais l’obscurantisme de cette majorité fait peu de cas des preuves scientifiques et de la parole des premier-es concerné-es.
Quelques mois après ce discours, Nicolas Sarkozy gelait la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Il prolongeait ce gel trois ans, pour augmenter le financement d’à peine 20 % l’année dernière. Pourtant, il avait repris à son compte la promesse de Jacques Chirac d’assurer l’accès universel aux traitements pour 2010, et aurait dû à ce titre tripler le montant. Un an après, son sous-ministre de la coopération Alain Joyandet posait les bases d’une politique du développement fondé sur l’intérêt de la France. Celui-ci proposait même d’organiser une grande loterie pour financer l’aide au développement en Afrique.
Au cours de ses quatre années à la tête de l’Etat, Nicolas Sarkozy ou son gouvernement ont ouvertement soutenu les dictatures d’Afrique contre les peuples, allant jusqu’à proposer à Ben Ali le « savoir-faire » français en matière de sécurité pour mater la révolution tunisienne. Aucun soutien réel n’a été accordé aux citoyen-nes des pays africains, notamment parmi les populations les plus exposées à la discrimination, à la violence ou au VIH / sida : LGBT, usagErEs de drogue, travailleurSE du sexe, etc.
Au cours de ces quatre années, la France a renforcé l’idée d’une immigration « choisie », selon ses intérêts économiques, s’opposant à une immigration « subie », c’est-à-dire s’opposant aux aspirations des personnes qui entendaient venir en France, en multipliant la signature d’accords bilatéraux de coopération. Cette politique migratoire va jusqu’à renvoyer des personnes gravement malades dans des pays où elles ne pourront pas se soigner. Compte tenu de l’indisponibilité de nombreuses molécules dans les pays du sud, certaines personnes ne pourront même plus bénéficier d’une continuité de traitement. Les expulser équivaut à une condamnation à mort.
Au cours de ces quatre années, la France a renforcé dans sa stratégie l’importance que l’aide au développement lui « rapporte ». Ainsi, de nombreux éluEs UMP ou ministres de droite, parfois soutenuEs par des personnalités de l’opposition, ne voient d’intérêt dans la solidarité internationale que de « renforcer l’image de la France ». Si la France souhaite tant peindre en bleu-blanc-rouge les hôpitaux et les médicaments qu’elle finance, il faut aussi qu’elle soit cohérente et qu’elle peigne en bleu-blanc-rouge les tombes des millions de malades en urgence de traitements et qui vont mourir faute de soins.
Dans le même temps, la France protège son industrie pharmaceutique en lobbyant pour un renforcement de ses brevets, même si cela prive des millions de personnes de traitements ; les profits de Sanofi-Aventis passent avant tout ! Ses industries continuent de piller les ressources énergétiques de l’Afrique, du coltan et autres minerais de République démocratique du Congo, à l’uranium pour les profits d’Areva au Niger, en passant par le pétrole de Total au Congo Brazzaville, jusqu’aux ressources agricoles de Bolloré au Cameroun.
Prolongeant son passé d’esclavagiste et de puissance colonisatrice, la France continue également de piller les ressources humaines des pays d’Afrique et de s’opposer aux désirs et aspirations de ses citoyen-nes. Cette politique s’est accentuée sous Sarkozy, qui lui a donné avec le discours de Dakar un cadre théorique dans lequel elle peut s’exercer en toute impunité.
La politique internationale est une prérogative du président de la République. Pourtant, ces questions sont peu débattues lors des campagnes électorales. 4 ans après le discours de Dakar, nous appelons les partis français à formuler et défendre une politique qui en finisse avec le racisme, le colonialisme, l’obscurantisme et le pillage ; qui privilégie les peuples et les aspirations citoyennes ; qui rappelle que « l’aide au développement » n’est que le paiement d’une dette des esclavagistes et des colonisateurs, et non un indicateur du rayonnement de la France ; qui s’assure que cette dette est perçue et répartie par les personnes concernées, et non par quelques oligarches ou des groupes français ; qui tienne ses engagements en matière de lutte contre les grandes pandémies ; et qui promeut une immigration fondée sur le principe de la liberté d’entrée, de circulation et de séjour sur le territoire français.