Cette année la CROI a fait place à de nombreuses sessions consacrées à l’hépatite C. Rien d’étonnant à cela quand on connaît le nombre de nouvelles molécules VHC à l’essai, parmi lesquelles, deux inhibiteurs de protéase, le boceprevir et le telaprevir, développés respectivement par les laboratoires Merck et Janssen. Des résultats d’études portant sur les personnes monoinfectés VHC ont été annoncés ; côté personnes coinfectées VIH / VHC on doit se contenter de très peu de données.
Environ 170 millions de personnes dans le monde sont porteurSES d’hépatite C chronique. On en compte 4 millions aux E.U et l’on estime que 35 % d’entre elles sont coinfectées VIH / VHC. La coinfection VIH / VHC a pour conséquence une accélération et aggravation de l’hépatite C pouvant entraîner cirrhose et cancer du foie. Notons, qu’on dispose de peu de données concernant les personnes coinfectées VIH / VHC, celles-ci étant sous représentées dans la recherche clinique. Pourtant, pour pouvoir tester de nouvelles options et stratégies thérapeutiques et mieux traiter les personnes coinfectées, et au regard de l’urgence, il ne fait aucun doute que les personnes coinfectées devraient être d’avantage inclues dans les essais cliniques, et ce, dès la phase II.
Traitement actuel anti-VHC
Le traitement actuellement utilisé pour l’hépatite C est une association de l’interféron pégylé et de la ribavirine. Cette bithérapie est d’efficacité variable, limitée et les effets indésirables sont nombreux. La réponse au traitement et sa durée sont variables selon le génotype (6 sont répertoriés). Ainsi pour les génotypes 2 et 3, meilleurs répondeurs, la durée de traitement est de 24 semaines tandis que pour les génotypes 1, elle est de 48 semaines.
Nouvelles molécules associées à la bithérapie peg interféron et ribavirine
Les nouvelles molécules dont des résultats avancés ont été présentés sont le bocéprevir et le telaprevir, des inhibiteurs de protéase. Les études ont été réalisées sur des personnes monofectées VHC de génotype 1, d’une part sur des malades naifs de traitements / d’autre part sur des rechuteurs ou non répondeurs. L’objectif est de savoir dans les deux cas, si la bithérapie standard (peg interferon) associée à l’une des molécules se révèle plus efficace que le traitement actuellement utilisé.
Une nouvelle molécule associée au traitement standard VHC :
Bocéprevir, les résultats finaux de SPRINT 2 et RESPOND 2
Les sessions VHC de mardi après-midi se sont attardées sur le boveprevir (Merck) avec les résultats finaux des études SPRINT 2 et RESPOND 2. L’une porte sur monoinfectés VHC, de génotype 1, naifs de traitement, l’autre sur des monoinfectés VHC, de génotype 1, déjà traités, non répondeurs ou rechuteurs. La répartition pour les deux études s’est faite sur deux cohortes : « cohort 1 non-black », « cohort 2 black »
Le design des deux études est similaire, sur une durée de 48 semaines, avec une répartition en trois groupes. Le groupe « Control » est le bras témoin, celui qui durant l’étude a suivi la bithérapie standard, tandis que les deux autres groupes sont sous la bithérapie associée au boceprevir :
– le 1er groupe « Control » (48 P/R) : peg interféron + ribavirine
– le 2ème groupe (BOC/ PR48): peg interféron + ribavirine pendant 4 semaines, phase dite de lead in ( phase d’induction) puis peg interferon + ribavirine + bocéprevir
– le 3ème groupe (BOC / RGT = Response guided therapy) : 4 semaines de lead in puis peg interferon + ribavirine + boceprevir et selon la détectabilité de l’ARN (suivie entre la 8ème et 24ème semaine) un traitement standard de peg interféron + ribavirine peut suivre.
Dans la longue liste des effets indésirables (fatigue, maux de tête, nausée etc) l’anémie et la dysgueusie sont les effets qui sont les plus fréquents dans le traitement associé au bocéprevir.
Les résultats présentés dans les deux études montrent que le bocéprevir associé au traitement standard (peg interféron et ribavirine), augmente significativement la possibilité de « guérison ».
Telaprevir pour les personnes coinfectées VIH / VHC, premières données
Mark Sulkowski a présenté des données intermédiaires de phase 2a de l’étude 110 associant telaprevir, peg interferon et ribavirine.
Pour le telaprevir, on dispose déjà des données d’étude réalisées sur des personnes monoinfectées naives de traitement (l’étude ADVANCE), et déjà traitées (l’étude REALIZE) qui, comme pour le boceprevir de Merck, dans les deux cas concluent à un bénéfice certain de l’association de la bithérapie standard à la nouvelle molécule. Côté effets indésirables, le telaprevir se singularise de sa molécule rivale le boceprevir en ajoutant aux effets indésirables l’apparition de rash (rash sévère : 7%, étude ADVANCE)
Le design de l’étude 110 avec le telaprevir est le suivant : un groupe sans antirétroviraux, l’autre groupe avec, en tout 60 personnes, naives de traitement VHC, en majortité des hommes (environ 80 %). 46 personnes sont dans le groupe recevant des ANTIRETROVIRAUX, soit Efavirenz / tenofovir / emtracitabine (truvada), soit Atazanavir /r / tenofovir / emtracitabine ou 3TC). Dans le groupe ARV et sans ARV, il y a un bras de contrôle avec la bithérapie classique peg interféron et ribavirine.
Les objectifs principaux de cette étude sont d’obtenir des données de tolérance et de connaître à 12 semaines, la proportion de personnes recevant telaprevir, peg interferon et ribavirine avec un ARN VHC indétectable.
A la 12ème semaine la proportion de personnes avec ARN indétectable VHC est de 68% avec le telaprevir, 14 % avec la bithérapie standard (75 % sous EFV / TDF / FTC ; 57 % sous ATV/r + TDF + FTC ou 3TC et 71 % sans ARV).
Il n’y a pas de changements significatifs observés sur la charge virale et le taux de CD4 avec les personnes sous telaprevir, peg interferon et ribavirine. Comme pour les études connues pour les personnes monoinfectées, on peut dire que l’efficacité de ce traitement est supérieure à celle que l’on obtient avec le traitement anti VHC standard. Ces premiers résultats à 12 semaines semblent encourageants en terme d’efficacité mais intensifient ou du moins ne réduisent en rien les effets indésirables connus avec le traitement classique, parmi lesquels maux de tête, fatigue, nausée, anémie ; à cela s’ajoute un pourcentage de rash inquiétant.
Nouvelles perspectives de recherche
On a pu noter également que de nouvelles perspectives de recherche émergent, c’est ainsi qu’en début de conférence, lors de la session des jeunes investigateurs, l’accent a été mis sur le gène IL28 B et son rôle dans une possible suppression de la réplication du virus de l’hépatite C. Un gène qui permettrait de mieux identifier pour mieux traiter… option thérapeutique intéressante si celle-ci ne se transforme pas en critère d’inclusion discriminatoire pour l’entrée aux essais cliniques, limitant d’avantage le profil des personnes souhaitant participer à la recherche VHC.
En guise de commentaire général sur ces recherches, cette question de la salle à un des présentateurs : « Comptez vous faire plus d’études chez les personnes coinfectées ? » Réponse de l’intéressé : « il nous faut du temps, des données de tolérance et de sécurité ». Laconique, le questionneur ajoute alors : « le temps tue ».