Le 19 mai, journée mondiale des hépatites, des militantes et militants d’Act Up-Paris ont déversé 260 foies devant le ministère de la Santé. Cette action visait à dénoncer l’inaction criminelle des pouvoirs publics, alors que les alertes sur l’épidémie de l’hépatite C se multiplient. Si l’hépatite C nécessite un plan d’urgence, la prise en charge de la co-infection VIH-VHC est encore plus vitale. Nous attendons des autorités sanitaires des moyens affectés à la recherche pour élargir la palette de traitements, un accroissement des efforts pour inciter au dépistage, une extension et une diversification des outils de réduction des risques auprès des usagers de drogues.
Mais rien n’est fait, ou si peu. Le plan de Roselyne Bachelot-Narquin n’est qu’un effet d’annonce, bien en deçà de l’urgence sanitaire et des moyens qu’il faudrait mettre en œuvre pour éviter une nouvelle hécatombe. Beaucoup de personnes co-infectées par le VIH et le VHC sont dans la même situation que les malades du sida au début des années 80. Face à l’absence de volonté politique, Act Up-Paris a décidé de faire de la question de la co-infection la priorité des mois à venir. Nous ne voulons pas attendre que l’hécatombe qui nous menace produise le scandale politique qui changera la donne. Aujourd’hui, près de la moitié des personnes vivant avec un virus de l’hépatite C ignore leur contamination. Plus on attend pour traiter, plus les dégâts liés au virus de l’hépatite C sont susceptibles d’être irréversibles et plus les chances de guérison sont minces. A un stade avancé, la prise en charge fait appel à des soins particulièrement lourds : elle est aujourd’hui à l’origine de plus de la moitié des cancers du foie et constitue la seconde cause de transplantations hépatiques après les cirrhoses alcooliques. Les prévisions pour 2025 correspondent à un triplement du nombre des cancers du foie, une évolution qui pourrait être évitée avec la mise en place de campagnes d’information. Ignorer qu’on vit avec le virus conduit à transmettre la maladie sans le savoir. L’étude Coquelicot révèle que 27 % des usagers de drogue se déclarent séronégatifs au VHC à tort, alors que seuls 2% se croient séronégatifs au VIH alors qu’ils en sont porteurs. Des usagers contaminés continuent donc de transmettre le virus de l’hépatite sans le savoir. D’où l’importance de généraliser le dépistage des hépatites dans les CDAG, et les centres qui accueillent des usagers de drogues (CAARUD, CSAPA). Il existe un traitement qui permet de guérir dans 50 à 80% des cas et selon le génotype du VHC. Ce traitement dure de 6 mois à un an, et est d’autant plus efficace qu’il est pris tôt. Mais les effets indésirables (fatigue, anxiété, épisodes dépressifs, troubles du sommeil, de la concentration…) peuvent être très invalidants, et provoquer un effet désastreux sur la vie professionnelle, sociale et affective, et d’autant plus pour les personnes fragiles ou en situation de précarité. La dureté des traitements exige d’avoir un logement, ce qui exclut les populations les plus précaires qui sont pourtant 3,5 fois plus touchées par le VHC que la population générale. Malgré l’existence de médicaments, 2 600 personnes meurent chaque année en France, faute d’un traitement efficace : les hépatites sont la première cause de mortalité chez les personnes vivant avec le VIH. Ce virus aggrave le pronostic de l’infection par le VHC, avec une progression deux fois plus rapide de la fibrose et un risque de fibrose décompensée 5 fois supérieur. Ces personnes qui attendent les nouveaux traitements parce qu’elles sont en danger de mort et qu’elles ne répondent pas aux traitements actuels, sont aujourd’hui exclues des essais. Les laboratoires, pour avoir de meilleurs résultats que le voisin, ne prennent que de « bons » patients, afin d’optimiser les résultats, et non les personnes qui en ont le plus besoin alors qu’elles représentent une grande part de l’épidémie. Est-ce parce que beaucoup d’entre nous sommes des usagers de drogue que l’industrie pharmaceutique et les pouvoirs publics nous laissent mourir sans rien faire en matière de prévention, de dépistage ou d’accès aux traitements ?