Du 4 au 7 juillet 2007, deux militantes d’Act Up se sont rendues à la conférence internationale sur les Femmes. Annoncée comme étant la conférence sur le leadership des femmes dans la lutte contre le VIH/sida, elle s’est révélée décevante. Explications.
Cette conférence était organisée par le YWCA[[Young Women’s Christian Association]], un mouvement de femmes qui travaillent pour le changement social et économique à travers le monde. Les leaders associatifs qui s’y sont retrouvés, oeuvraient pour la plupart dans le réseau YWCA, et ne semblaient pas habitués à problématique du VIH. Nous avons assisté à une prise de conscience des problèmes posés par le sida, comme autre facteur de vulnérabilité des femmes, plus qu’à une conférence sur la prise de pouvoir des femmes dans la lutte contre l’épidémie. Cette association internationale qui existe depuis 87 ans a organisé ce meeting comme un groupe de parole élargit, dans lequel on distribue des informations sur le sida. Nous n’y avons pas appris grand chose sur l’épidémie elle-même, mais énormément sur la situation des femmes en Afrique et dans certains pays d’autres continents. Ce réseau international ne s’occupe du sida que depuis peu, et le gère comme un dossier de plus. Leurs représentantes réunies sont donc moins politiques et vindicatives que les responsables des associations de lutte contre le sida habitués aux conférences que nous fréquentons par ailleurs.
Une priorité parmi d’autres
Le sida est certes une préoccupation, mais il en existe beaucoup d’autres, qui peuvent bien souvent le supplanté, comme l’accès à la nourriture. La députée du Président d’Afrique du Sud a rappelé que dans le monde 50 % de la nourriture provient du travail des femmes, ce chiffre monte à 80 % en Afrique. Avant de prescrire des antirétroviraux, s’est-on intéressé à savoir si les personnes ont à manger, a interrogé une oratrice ? « On nous dit qu’il ne faut pas prendre les traitements à jeun, mais quand la nourriture au quotidien est quelque chose de rare, comment fait-on ? »
Une femme expliquait par le détail, que dans son village au Kénya, pour s’occuper d’une personne mourante il fallait compter 48 bacs d’eau par jour et que pour ramener un bac il faut 3 kilomètres. Ces femmes, car ce sont les femmes qui s’occupent des malades, s’épuisent. Elle a exposé la situation désespérée de sa famille ; le sida a emporté 3 de ses frères et 2 sœurs, et si sa mère vient de mourir ce n’est pas du sida mais d’épuisement pour avoir accompagné ses enfants et petits-enfants dans la maladie.
D’autres de rappeler l’importance grandissante de la féminisation de la pauvreté et « nous partons déjà de tellement loin ». Un certain nombre de revendications ont été portées lors de la dernière plénière, afin de nourrir le plaidoyer au niveau international de ces femmes du Sud. L’une concerne la représentation des femmes dans les instances de décisions, dans les lieux de pouvoirs, afin de rappeler la réalité, de veiller à ce que les décisions prises ne soient pas trop éloignées des besoins du terrain. Lorsque le Fond mondial reçoit un dossier d’un pays pour un financement, sur les 42 critères qui servent à juger de la pertinence du dossier, un seul concerne les femmes ! Et cette seule valeur genrée s’intéresse au nombre de femmes ayant participé à des protocoles de prévention de transmission mère/enfant. Aucun autre critère ne se soucie du sexe des personnes atteintes.
Inégalités en prévention
La recommandation de trouver des femmes dans les lieux de décisions, a trouvé un autre écho dans une session consacrée à « la prévention, les traitements et la recherche en direction des femmes et des petites filles ». On connaît aujourd’hui les limites des politiques de lutte contre le sida dans les pays du Sud qui ont mis la priorité sur la prévention. La fidélité, l’abstinence ne marchent pas, plusieurs femmes l’ont répété, mais sans arrêt, on y revient. Le retour de la morale rend de plus en plus difficile la situation des femmes. A cela, il faut ajouter les effets d’annonce catastrophiques des essais sur les méthodes de prévention alternatives au préservatif. La « protection » de la circoncision ressentie par certains hommes, rendra encore plus difficile la négociation des moyens de prévention comme le préservatif. A propos des essais menés à Orange Farm sur l’effet de la circoncision dans l’évolution de la pandémie, une femme d’Afrique du Sud a rappelé que même si la circoncision est réalisée en Afrique du Sud, cela n’empêchera pas les viols. Et dans nombre de pays, les hommes sont déjà circoncis, la crainte qu’une rumeur sur une protection potentielle des hommes se met à circuler, rend les femmes interrogées très pessimistes. Certaines nous ont dit leur colère, car elles ont trouvé des moyens pour imposer le préservatif, mais ces annonces risquent de les faire «capoter».
Les microbicides sont évidemment évoqués dans plusieurs workshop et apparaissent comme le seul outil a leur redonné une indépendance sur ces questions de prévention. Mais le seul hic, c’est qu’actuellement aucun produit n’est disponible, et vu les moyens insuffisants mis dans ce domaine de la recherche, ce n’est pas demain qu’un microbicide arrivera sur le marché.
Florilèges
La violence faite aux femmes, revient sans arrêt, sur les photos, dans les discours, dans les intitulés des ateliers de travail, c’est l’une des priorités de YWCA. Et pour de bonnes et nombreuses raisons : une femme de Sierra Leone, après avoir exposé la difficulté des femmes de son pays à faire vivre leur famille du fait de la violence sociale qui est exercée contre elles, a conclu son exposé en préconisant : « ce qu’il faudrait faire c’est presque mettre un fémidon® avant de sortir du travail, car les agressions sont si fréquentes, qu’au moins si on peut se protéger du sida, c’est déjà ça… »
Mais l’intervention la plus marquante dans ce domaine fut sans doute celle d’une jeune femme, lors d’une plénière, expliquant à l’assistance, à ses « soeurs » : « si vous n’avez pas le sida, c’est tout juste une question de temps ». Glaçant.