L’infection VIH qui, reste en premier lieu une atteinte du système immunitaire, peut également altérer certains tissus, en particulier le cerveau, les muscles, les os et les vaisseaux sanguins mais aussi certains organes comme le foie, les poumons ou le cœur. Cette altération peut être directement le fait du VIH, celui d’un autre agent pathogène ou bien encore être due à une atteinte cancéreuse, puisqu’il est établi que cette infection favorise la survenue de certains cancers. Cependant, depuis l’avènement des multithérapies, on sait aussi que la prise au long cours d’antirétroviraux peut provoquer des atteintes des différents tissus et organes du corps humain. Parmi les organes ciblés par le VIH et/ou les antirétroviraux, le rein ne fait hélas pas exception : il semble alors utile de faire le point sur ce sujet.
Ce dossier présente dans un premier temps la structure, le fonctionnement et le rôle du rein. Vient ensuite une description des principales atteintes rénales. Le problème de l’atteinte rénale chez les personnes vivant avec le VIH y est abordé en commençant par la principale affection rénale directement causée par le VIH, l’HIVAN. La troisième partie de ce dossier est consacrée aux effets secondaires rénaux dus aux antirétroviraux, détaillés classe par classe. Enfin des informations sur la toxicité rénale à long terme permettra de faire le point des précautions à prendre et de la conduite à tenir chez les personnes souffrant d’une maladie rénale aiguë et nécessitant un traitement antirétroviral.
Anatomie
Souvent comparé à un simple filtre, le rein a des fonctions plus complexes. Les données biologiques, éclaireront ensuite la présentation du fonctionnement et des principales atteintes rénales rencontrées au cours de l’infection par le VIH.
Les reins sont constitués d’environ un million de néphrons, l’unité fonctionnelle de cet organe. Chaque néphron est formé de deux parties : un long tube appelé tubule, à l’extrémité duquel se trouve le glomérule. Le glomérule est composé d’un amas de capillaires qui entourent une tige, l’axe mésangial et la capsule de Bowman. Le tubule ou tube urinifère est quant à lui constitué de trois segments : tube proximal, segment grêle de l’anse de Henle et tube distal. Signalons également la présence du tissu intersticiel qui forme la trame de soutien entre les néphrons.
Le rein est par sa fonction particulièrement bien vascularisé par des artères se divisant en artérioles et finalement en réseau très dense de capillaires, ceux-là mêmes qui constituent en partie le glomérule. Le débit sanguin au niveau du rein est particulièrement élevé puisque d’environ 72 litres par heure.
Comme nous le verrons plus loin, glomérule, tubule, système de vascularisation sanguine et tissu intersticiel peuvent être le siège d’altérations à l’origine de différentes maladies du rein.
Fonctionnement du rein
L’urine est produite en deux étapes : la première se déroule au sein des glomérules et génère l’urine primitive, qui est ensuite profondément remaniée au niveau des tubules où certaines substances sont excrétées alors que d’autres sont réabsorbées. Les tubules reçoivent ainsi une quantité proche de 180 litres par jour. Or, le volume quotidien de l’urine finale est, normalement, de 1 à 2 litres. Par conséquent, une fraction importante des substances est nécessairement réabsorbée : l’eau, mais aussi les protéines. De même, le glucose, les phosphates, le sodium, le potassium et le calcium sont en partie ou presque totalement, réabsorbés au cours du passage dans les tubules. D’autres substances, notamment l’urée, la créatinine, l’acide urique sont aussi excrétées/réabsorbées dans une proportion variable propre à chacune. Par ailleurs, en permettant l’excrétion de l’ion hydrogène et en réabsorbant le bicarbonate, dont il participe également à la régénération, le rein contrôle directement l’acidité du sang. C’est ce qui explique qu’une atteinte rénale majeure peut parfois déclencher une acidose lactique. Le rein participe aussi à l’élimination de beaucoup d’autres déchets de l’organisme, comme les médicaments et leurs métabolites qui se fait aussi par voie urinaire grâce au rein. En définitive, les reins remplissent trois rôles essentiels : ils débarrassent le sang de ses déchets par le biais de l’urine ; ils régularisent les quantités d’eau et de divers minéraux indispensables au bon fonctionnement de l’organisme ; enfin ils produisent des hormones qui contrôlent d’autres fonctions de l’organisme. D’ailleurs, de nombreux autres organes dépendent des reins pour leur bon fonctionnement.
Dysfonctionnement rénal
Très souvent, en cas de maladie du rein, une analyse de sang et/ou d’urine indique le problème : la concentration des substances dont l’élimination / réabsorption est rénale sera effectivement modifiée. On peut ainsi, suivant l’atteinte rénale, constater une augmentation de la concentration urinaire de créatine (créatinurie), de protéine (protéinurie), de glucose (glycosurie) ou d’aminoacide (aminoacidurie). On peut aussi observer la présence d’éléments sanguins dans les urines tels que les hématies (hématurie) ou les leucocytes (leucocyturie). Enfin, en cas de maladie rénale, certains éléments peuvent être présents dans le sang en concentration anormalement faible ; citons le phosphate (hypophosphatémie) et l’urée (hypouricémie). Des tests simples, par bandelette urinaire, prise de sang et mesure de la pression artérielle (car une tension élevée accélère l’évolution d’une maladie du rein sous-jacente) permettent de contrôler le bon fonctionnement des reins. D’installation sourde et insidieuse, l’atteinte rénale peut très souvent rester silencieuse, c’est-à-dire sans symptôme. En revanche, en cas de maladie rénale avérée, et selon la gravité, on pourra observer des symptômes aussi variés que, par exemple, hypertension artérielle, urine excessivement mousseuse, gonflement au niveau des yeux, des mains et des pieds, maux de têtes, nausées et vomissements, maladie respiratoires.