L’Assemblée Nationale s’apprête à examiner, ce mardi, en première lecture, le projet de loi de Rachida Dati relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Act Up-Paris dénonce cette mesure de rétention intervenant après qu’une peine de prison a été purgée, sans qu’aucune infraction n’ait été commise, et sur la simple base d’une expertise psychiatrique cherchant à évaluer » la dangerosité d’un individu « .
Selon le gouvernement, il s’agit d’une » solution préventive » face à une présomption de récidive. Bref, d’une peine sans crime. La loi mentionne d’ailleurs à plusieurs reprises que les personnes placées en « rétention de sûreté » auront les mêmes droits que les détenus. Et le premier centre de ce type sera situé dans une structure ad hoc à Fresnes : triste ironie pour ces personnes censées avoir purgé leur peine de prison – dont le but était la réinsertion sociale.
Act Up-Paris s’inquiète du rôle demandé au médecin exerçant en détention. En effet, l’une des dispositions du projet de loi indique qu’« en cas de risque pour la sécurité des personnes, les professionnels de santé intervenant au sein des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé accueillant des personnes détenues ont l’obligation d’en informer le directeur. Cette obligation, qui ne porte nullement atteinte au secret médical, est le pendant de celle prévue pour les agents des établissements pénitentiaires ». Selon quels critères sera évaluée la dangerosité du détenu ? Si ce n’est dans le cadre d’une consultation, où et quand un médecin peut-il émettre un tel signalement ? Cela ne correspond-t-il pas justement à une atteinte au secret médical ? Quelles seront les sanctions en cas de manquement de la part des médecins, puisqu’il s’agit ici d' »obligation » ?
Une nouvelle fois, Rachida Dati tente de faire des médecins exerçant en détention des agents pénitentiaires, au détriment de la loi du 18 Janvier 1994 qui affirme que les soins prodigués en détention relèvent du service public hospitalier et non plus de l’Administration pénitentiaire. Déjà en août 2007, la Garde des Sceaux avait déclaré vouloir abolir le secret médical en détention[[Le 20 août 2007 au journal télévisé de France 2, Rachida Dati déclarait qu’il faudrait « que l’Administration Pénitentiaire puisse avoir accès au dossier médical de la même manière que les médecins puissent avoir accès au dossier pénitentiaire ».]]. Et le Conseil national des médecins avait alors clairement tenu à rappeler le « caractère intangible du secret professionnel »[[Communiqué de presse du Conseil national des médecins daté du 22 août 2007, Soins aux détenus : Le Conseil national des médecins réaffirme le caractère intangible du secret médical.]].
Si les médecins devaient devenir des agents pénitentiaires, cela aurait pour conséquence néfaste d’accroître la défiance du patient détenu envers son médecin. Ce projet de loi est donc incompatible avec une prise en charge médicale satisfaisante, dans un contexte où l’accès aux soins est déjà loin d’être équivalent avec le milieu libre, comme le préconise pourtant la loi de 1994. La prison ne doit pas devenir un lieu où le secret médical serait modulable selon les besoins et les missions de l’Administration Pénitentiaire.
Act Up-Paris exige l’abandon de ce projet de loi qui attente aux droits humains en privilégiant l’enfermement à vie en vertu d’une présomption à la récidive, au détriment d’une amélioration nécessaire de la prise en charge en détention et hors les murs.
Act-Up-Paris exige de Rachida Dati qu’elle réaffirme l’indépendance des médecins exerçant en détention vis-à-vis de l’Administration Pénitentiaire.