Des militants de différents pays européens et des euro-députés se réunissent devant le Parlement européen pour réclamer l’abandon de dispositions mettant en danger l’accès aux médicaments.

Déguisés en zombies, revêtus de costumes déchirés et ensanglantés représentant les négociateurs européens, des militants d’associations, Oxfam, Médecins Sans Frontières, Stop AIDS Campaign, Health Action International (HAI) Europe et Act Up-Paris, entre autres, se sont rassemblés à l’extérieur du bâtiment avec des membres du Parlement européen inquiets.
« Certaines des dispositions de l’accord de libre-échange sont similaires à celles de l’ACTA, un accord anti-contrefaçon qui a été rejeté grâce à la grande vigilance citoyenne. Mais ces dispositions sont de retour : c’est un problème qui ne disparaît jamais », a ajouté Lotti Rutter de Stop AIDS Campaign.
Les dispositions d’application peuvent potentiellement bloquer la production et l’exportation des médicaments génériques en Inde, pourtant vitaux pour des millions de personnes à travers le monde. Ces dispositions ouvriraient la porte à des pratiques abusives de la part des multinationales, en permettant que les envois de médicaments soient retardés, saisis et détruits.
Les mesures concernant l’investissement verraient le gouvernement indien (tout comme des parties tierces telles que MSF, qui fournit des traitements) être poursuivis en justice par ces multinationales pour des milliards de dollars devant des tribunaux arbitraux privés si les lois nationales, les politiques, les décisions de justice ou toute autre action sont perçues comme interférant avec la protection des investissements desdites entreprises — par exemple, si un bureau des brevets indien rejette ou annule un brevet sur un médicament pour permettre un meilleur accès.
« En tant que fournisseurs de traitements nous sommes inquiets quant à l’impact de ces mesures si elles sont entérinées. Non seulement elles vont précipiter dans la tombe les médicaments à bas prix et de qualité sur lesquels MSF compte pour traiter des patients à travers le monde, mais en plus nous risquerions d’être entraînés dans des conflits juridiques simplement en utilisant des médicaments génériques. L’UE doit abandonner toutes les dispositions qui menacent la santé publique dans chacune de ses négociations commerciales », a déclaré Katy Athersuch, de la campagne d’accès de MSF.
La conclusion anticipée de l’accord de libre-échange Inde-UE début avril a soulevé de nombreuses contestations en Asie, en Europe et en Afrique, le continent qui risque de perdre le plus dans cet accord.
Cet accord est le dernier d’une longue liste de négociations à travers lesquelles l’UE cherche à imposer des dispositions renforçant la propriété intellectuelle dans les pays en développement. L’UE est actuellement engagée dans des accords de libre-échange avec l’Inde, l’ASEAN, la Malaisie, l’Ukraine et la Thaïlande, et planifie d’autres accords avec le Maroc, la Tunisie et l’Égypte, pour n’en citer que quelques-uns.
« Nous sommes très inquiets ; dans notre région, les personnes vivant avec le VIH bénéficient d’antirétroviraux génériques importés d’Inde », a expliqué Othman Mellouk de la Coalition internationale pour la préparation au traitement au Moyen Orient et Afrique du Nord (ITPC- MENA). « Un tel accord entre l’Europe et l’Inde aura des conséquences désastreuses et empêchera l’accès aux médicaments essentiels dans notre région ; c’est pourquoi nous appelons la Commission européenne à cesser cette politique commerciale qui ne bénéficie qu’aux principales entreprises pharmaceutiques et qui affecte de
nombreuses personnes dans les pays en développement. »

Les militantEs d’Act Up-Paris devant le Parlement européen
- Des dispositions d’application qui pourraient conduire les médicaments génériques à ne pas pouvoir sortir d’Inde, et donc ne pas atteindre les patients des pays en développement, sur la simple allégation d’une violation de brevet ou de marque déposée. Cela pourrait également entraîner les fournisseurs de traitements dans des conflits juridiques simplement parce qu’ils distribuent des médicaments génériques aux patients.
- La partie « investissement » de l’accord de libre-échange étendrait les capacités des entreprises à attaquer en justice le gouvernement indien quand il régule la santé dans l’intérêt public, par exemple en rejetant un brevet pour élargir l’accès à un médicament, ou bien au travers du contrôle des prix des médicaments. Ces conflits seraient réglés en dehors des juridictions nationales dans des tribunaux d’arbitrage secrets, avec à la clé de larges sommes d’argent en dédommagement. En raison de dispositions d’investissement dans d’autres accords de libre-échange, de tels conflits ont déjà éclaté et été portés devant des tribunaux arbitraux par des entreprises à l’encontre de gouvernements, dans l’espoir de forcer des politiques de santé publique à faire machine arrière (Phillip Morris vs. Uruguay). Les entreprises déclarent que ces politiques conduisent à une prétendue « expropriation » de leurs investissements et profits.