Les trithérapies ont vu le jour en 1996. Elles ont entraîné une véritable révolution contre le Sida, pour nos vies et nos luttes : elles reconstituent les défenses immunitaires, rendent la charge virale indétectable et permettent aux personnes vivant avec le VIH (PVVIH) de ne plus être contaminantes, à condition d’avoir un accès aux soins et une bonne observance au traitement.

Pourtant, malgré cette victoire scientifique, des PVVIH sous traitement meurent à cause des comorbidités liées à l’infection, de l’indifférence générale, de la sérophobie et des millions de personnes n’ont toujours pas accès aux traitements. Les programmes de prévention sont fragilisés, les financements diminuent. Chaque 1er décembre est une histoire qui se répète : certains pays s’autocongratulent et célèbrent « la fin du sida d’ici 2030 », tout en étranglant les associations qui font le travail dans un monde qui se fascise de plus en plus.

Quand le fascisme prospère, la santé publique meurt

Partout, les régimes réactionnaires, aux politiques patriarcales voulant controler les corps, s’enracinent : criminalisation et répression des minorités sexuelles et des migrant·e·s dont la vie est considérée comme jetable, censure des associations, attaques contre les droits des femmes, criminalisation de l’avortement, restrictions sur la contraception, croisade anti-genre. Ces politiques alimentent la honte, la peur, l’isolement, le rejet et donc la transmission du VIH.

Aux Etats-Unis, la réélection de Donald Trump en janvier 2025 est un signal d’alarme mondial. Le démantèlement, par son administration, de l’USAID, du PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief) et les coupes budgétaires dans l’aide internationale viennent obscurcir l’espoir de la fin de l’épidémie. PEPFAR, c’est 20 ans de lutte contre le sida et 25 millions de vies sauvées. Selon les projections d’UNAIDS, si ces financements cessent, près de 500 000 enfants pourraient mourir en Afrique subsaharienne d’ici 2030. L’ONUSIDA estime les conséquences de cette politique à plus de 6 millions de mort·e·s et à 8,7 millions de nouvelles infections d’ici 2029. Nos vies ne sont pas un « coût ». Elles ne sont pas négociables.

Il faut également rappeler que la lutte contre le VIH-Sida ne se limite pas à l’accès aux traitements. Elle s’inscrit dans la défense d’une santé sexuelle et reproductive globale, libre et universelle, où chaque personne doit accéder à l’information, à la prévention, au soin et à l’autonomie de ses choix.

Nords / Suds : la fracture organisée

Depuis vingt ans, les pays riches promettent de « ne laisser personne de côté ». Mais l’aide au développement consacrée au VIH stagne depuis 2012 et diminue depuis 2023. Pendant ce temps, les bailleurs conditionnent leurs financements à des réformes libérales, tandis que les laboratoires imposent des prix et des brevets qui rendent les traitements inaccessibles.

Au Nord, les gouvernements se replient sur leurs frontières, dénigrent la solidarité internationale et laissent la santé mondiale devenir un champ d’affaires pour les multinationales du médicament. Pfizer, Gilead, ViiV engrangent des milliards sur la pandémie passée et sur les traitements d’aujourd’hui, tout en bloquant les génériques et les innovations accessibles. Ces mêmes grandes entreprises de l’industrie pharmaceutique signent des accords commerciaux qui verrouillent les brevets, prolongent les monopoles, empêchent la production locale de médicaments. Ils prétendent lutter contre le VIH tout en protégeant un système profondément inégal.

Résultat :

  • Les programmes de prévention communautaire ferment ;
  • Dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, d’Europe de l’Est et d’Asie centrale, l’accès au dépistage, à la PrEP, au TPE ou aux ARV est réduit ou inexistant ;
  • Les traitements pédiatriques et les antirétroviraux à longue durée d’action restent inaccessibles ;
  • Les travailleur·e·s du sexe, les personnes LGBTQI+, les usager·e·s de drogues et les migrant·e·s sont criminalisé·e·s, marginalisé·e·s, privé·e·s de soins.

La santé publique mondiale n’a pas besoin de philanthropie, mais de justice économique et de rupture avec le capitalisme pharmaceutique.

Dans les Nords comme dans les Suds, ce sont les PVVIH, les associations, les soignant·e·s communautaires, les militant·e·s qui tiennent la riposte. Ce sont elles et eux qui dépistent, informent, accompagnent et défendent les droits. Mais sans financements, sans reconnaissance, sans droits, leurs actions s’épuisent. Là où les États coupent les budgets, ce sont des vies qui se perdent.

La France doit prendre ses responsabilités à l’échelle nationale et internationale

En France, le discours d’autosatisfaction cohabite avec des politiques qui fragilisent la riposte. Tandis que le gouvernement répète que « l’on ne meurt plus du sida », les réalités budgétaires disent l’inverse : les financements baissent, les services publics s’effondrent et les droits des plus vulnérables sont attaqués.

Le pouvoir exécutif a choisi de tailler dans l’Aide publique au développement, mettant en danger des millions de vies dans les pays où l’accès aux traitements dépend encore de la solidarité internationale. On ne peut pas prétendre lutter contre le VIH-Sida en Europe et laisser l’épidémie ravager le Sud global par désintérêt, racisme d’État et priorité aux profits. Couper dans la solidarité aujourd’hui, c’est organiser des morts demain.

Sur le territoire national, c’est la même austérité qui sévit : démantèlement progressif de la Sécurité sociale, augmentation du reste à charge, dégradation de l’hôpital public, précarisation des acteurs de terrain. Ces attaques affectent directement la prévention, le dépistage et la prise en charge des populations. Les associations sont impactées en première ligne pour dépister, accompagner et maintenir le lien au soin. La réduction continue des financements précarise, conduit à l’abandon d’actions essentielles et renforce l’isolement des personnes les plus exposées au VIH.

Il faut également souligner que, sur le plan international, la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le VIH-Sida, la tuberculose et le paludisme n’est jamais assurée d’avance, comme nous avons pu le constater ces dernières semaines, malgré son statut de membre fondateur du Fonds. Lors de la septième conférence de reconstitution en septembre 2022, la France s’était engagée à verser 1,596 milliard d’euros pour la période 2023-2025. Pour rappel, 1,596 milliard d’euros représente moins de 0,1 % du PIB français, ce qui montre que l’engagement est modeste au regard des moyens de l’État et largement inférieur à ce que la France dépense en quelques mois pour son budget de défense. Cette contribution n’est ni une faveur, ni un « don », mais une obligation politique de solidarité face à une dette historique envers les PVVIH.

Le sida ne s’arrête pas aux frontières. L’austérité et le racisme, si soigneusement emballés dans des discours de responsabilité budgétaire, ne nous protègeront pas d’une résurgence épidémique. La France doit prendre ses responsabilités, ici et ailleurs.

Nous exigeons :

  • Le rétablissement et l’augmentation des financements internationaux des traitements et de la prévention ;
  • Un meilleur suivi des PVVIH, car si « on ne meurt plus du Sida » on meurt des comorbidités liées à l’infection provoquée par le virus et toujours de la violence, de la sérophobie et de l’indifférence ;
  • La levée des brevets et l’accès universel aux génériques, aux traitements injectables et aux nouvelles technologies de prévention, partout et pour tou·te·s ;
  • Un soutien massif aux programmes communautaires : financement pérenne, reconnaissance institutionnelle et liberté d’action des associations de terrain qui dépistent, accompagnent et soignent ;
  • L’arrêt des politiques criminelles et réactionnaires, en France, en Europe et dans le monde, qui restreignent l’accès aux soins : fin des lois anti-LGBTQI+, décriminalisation du travail du sexe, dépénalisation des usager·e·s de drogues, régularisation de tous les sans-papiers ;
  • Un plan national de prévention du chemsex basé sur les recommandations des associations et les besoins des personnes concernées ;
  • Un plan européen de solidarité VIH-IST-hépatites, intégrant le soutien au Sud global et la lutte contre les politiques d’extrême droite qui détruisent les systèmes de santé.


Nous marcherons

Nous marcherons parce que nos colères sont légitimes.
Nous marcherons pour celles et ceux qui sont mort·e·s faute de soins, de droits et d’écoute.
Nous marcherons parce que nos vies valent plus que leurs profits, nos solidarités plus que leurs frontières.
Nous marcherons pour un monde où la santé est un droit universel, où les vies séropositives comptent, où la prévention est un bien commun, où la dignité n’a pas de nationalité.
Nous marcherons parce que nos adelphes sont en danger face à ces politiques fascistes.

Le dimanche 30 novembre, descendons dans la rue pour rappeler que la lutte contre le sida est indissociable de la lutte contre la sérophobie, le racisme, le sexisme, l’homophobie, la transphobie et la xénophobie.

À l’appel d’Act Up-Paris et des associations de lutte contre le VIH-Sida et les discriminations, rendez-vous à 14 h 30 à Opéra Place de la Bourse.

Tant qu’il y aura des fascistes, nous lutterons.

Tant qu’il y aura des mort·e·s du sida, nous hurlerons.

Rien pour nous, sans nous.

Associations signataires :

  • Act Up-Paris
  • AIDES Île-de-France
  • Acceptess-T
  • Les ami.e.s du Patchwork des Noms
  • PASTT
  • ChemsPause
  • Actions Traitements
  • SOS Homophobie
  • InterLGBT
  • Act Up-Sud Ouest
  • Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence – Couvent de Paris
  • Le planning familial
  • Les ActupienNEs