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parler de féminisme sans parler de lutte contre le sida, c’est marcher sur des cadavres

Au lendemain du 8 mars, Journée Internationale de Luttes pour les Droits des Femmes et minorités de genre, Act Up-Paris rappelle que parler de féminisme sans parler de lutte contre le sida, c’est marcher sur des cadavres.

Dans le monde, le sida est la première cause de mortalité des femmes âgées de 15 à 44 ans. Près de 18 millions de femmes vivent avec le VIH et plus de 6 jeunes de 15 à 24 ans nouvellement infectéEs sur 10 sont des femmes. En France, environ 30 % des contaminations au VIH touchent des femmes, majoritairement d’origine sub-saharienne.

L’épidémie se féminise : loin d’être une fatalité biologique, c’est une injustice sociale ! Les femmes parmi les plus minorisées, discriminées, visées par des mesures répressives et sécuritaires restent en première ligne face au virus : migrantes, travailleuses du sexe, usagères de drogues, trans.

  • Les femmes migrantes originaires d’Afrique sub-saharienne sont contaminées pour au moins un tiers d’entre elles en France, faute d’accès à des droits : titre de séjour, logement, emploi stable… Un contexte triplement défavorable que le gouvernement va encore dégrader avec son Projet de loi asile et immigration. Il entrave en effet l’accès au droit au séjour pour soins, lequel permet pourtant d’octroyer des titres de séjour aux personnes qui ne peuvent se soigner dans leur pays d’origine, faute par exemple d’accès effectif aux antirétroviraux.
  • Les usagères de drogues sont confrontées à la dégradation de l’accès aux outils de réduction des risques, à la précarité et à la stigmatisation, ainsi qu’à une politique répressive qui néglige en particulier de renforcer les expérimentations de salles de consommation à moindre risque dont le nombre stagne à 2 pour toute la France.
  • Les travailleuses du sexe subissent de plein fouet les conséquences de la pénalisation des clients : précarisation, isolement, éloignement des associations et des soins, violences, contaminations, échappement thérapeutique pour celles qui partent ici ou là exercer leur activité quelques mois, sans que le traitement suive. Dénoncée par les associations de santé, cette mesure s’ajoute aux arrêtés municipaux, et aux rafles qui visent des travailleuses du sexe sans papiers, à Belleville, à Boulogne, à Vincennes (comme celle qui a lieu ce lundi soir, le soir même du lancement du Sidaction auprès des différents médias). Prétendre que la pénalisation des clients est une mesure féministe est dans ce contexte impossible, de même qu’il est inacceptable de se satisfaire du conditionnement de l’aide aux TDS à l’arrêt de leur activité. Comment considérer qu’une allocation de quelques euros et un titre de séjour de 6 mois sont en effet des aides se suffisant d’elles-mêmes ? Comment concilier au niveau local l’ambition de la fin de l’épidémie avec Vers Paris sans sida et une politique répressive à l’égard des travailleurEUSEs du sexe, sinon en souhaitant les chasser des territoires concernés ?

Les pouvoirs publics exposent encore davantage les femmes en refusant :

  • de mener une politique ambitieuse de lutte contre les stéréotypes de genre, à la fois causes et conséquences de la vulnérabilité des femmes face au sida,
  • de mener des campagnes de promotion du préservatif interne (aussi connu sous le nom de fémidon), limitant alors largement les possibilités d’usage de méthodes efficaces de prévention par les femmes,
  • de lever des inégalités inscrites dans le droit, comme pour la PMA, dont nous exigeons l’ouverture à touTEs (couples de femmes, femmes célibataires, mecs trans), sans le simulacre de consultation et les prémisses d’un débat qui ne sera – une fois de plus – qu’une nouvelle occasion de légitimer et imposer d’entendre des discours sexistes, lesbophobes et transphobes, ou encore en facilitant les démarches de changement d’état-civil pour les personnes trans, et en démantelant les équipes officielles qui entravent l’accès libre aux soins pour les personnes trans.

Chaque jour, et pas uniquement le 8 mars, lutte contre le sida et luttes féministes sont indissociables :

  • C’est savoir que des politiques cohérentes de prévention passent tout autant par la mise à disposition d’outils efficaces que par la lutte contre les inégalités et violences sexistes et sexuelles qui en limitent l’usage par les femmes.
  • C’est réaffirmer que les politiques d’austérité, qui étouffent financièrement des structures de prévention faites par et pour les femmes, entravent dramatiquement leur accès à une information indispensable et à des outils fiables. C’est s’inquiéter du succès des discours d’extrême-droite qui font de ces structures des cibles d’attaques répétées, qui renforcent les conséquences de l’austérité.
  • C’est refuser les lois sécuritaires et répressives qui, des politiques migratoires racistes à la pénalisation des clients des travailleurSEs du sexe, en passant par la criminalisation des usages de drogues et une politique carcérale inhumaine, confrontent avant tout des femmes à l’épidémie.
  • C’est exiger que la recherche médicale sur le VIH prenne au sérieux la féminisation de l’épidémie, en s’engageant résolument pour leur inclusion dans les essais thérapeutiques.
  • C’est ne jamais oublier dans nos cercles militants féministes la place de la santé dans nos revendications : prévention, consentement dans la relation avec les praticienNEs, accès aux et remboursement des préservatifs internes, digues, dispositifs contraceptifs, hormones, et parcours de PMA sont autant d’exemples indispensables.

Séropositives ou séronégatives, cis ou trans, nous refusons de nous résigner face à la féminisation de l’épidémie. Silence = Mortes !