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Sida, envie d’en être ? À cette question nous répondons : non. Et puis d’autres questions se posent, simples, complexes. De ces interrogations est née cette rubrique, un espace pour parler de soi. Nous sommes des malades, des activistes de la lutte contre le sida. Rencontre avec un de nos militantEs, Laurent.

laurent.jpgUn bref aperçu de ta vie en quelques dates. 9 janvier 1966 naissance, 12.12.84, entrée en prison, 12.01.2010 sortie de prison, Mai 85 découverte de la séropositivité par les premiers tests, contaminé depuis 83, 26 mars 2008, naissance de ma fille, ma petite Thilleli. Tu as eu une jeunesse alternative ? Pas du tout, j’ai étudié en dessin publicitaire, ce qui n’a rien d’alternatif. As-tu déjà souffert de discriminations ? Par rapport à la maladie : oui en prison. A l’époque il y avait une grande peur de la maladie, c’était les débuts, la maladie honteuse, le fléau, mais surtout parce que parfois l’Administration pénitentiaire n’hésitais pas à dire aux autres mon statut de séropositif pour essayer de me nuire. Après je l’ai toujours assumé, j’en ai fait un combat, dès les années 88-90. J’ai assumé mon statut et je l’annonçais haut et fort, et surtout devant la justice, les institutions et l’autorité. Peux-tu nous parler de l’annonce de ta séropositivité ? Elle s’est faite froidement et sans pincette dans une infirmerie de prison, à Fleury Merogis, en ces termes : « vous êtes séropositif, remonter en cellule ». A l’époque j’avais demandé à faire le test, ma copine était toxico et on commençait à dire que les toxicomanes était touchés donc je voulais savoir. Et au final c’est bien ce qui s’est passé. À l’époque que savais-tu du sida, de ses modes de transmission ? On n’en avait aucune idée, ou que des idées approximatives de ce qu’on racontait à l’époque, c’était dans les années 80. Au jour le jour, c’est quoi d’être séropositif ? C’est d’abord la trithérapie tous les jours, se demander chaque jour si on survivra l’année prochaine, en somme avoir continuellement une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. C’est aussi la surveillance de son poids, de la moindre infection, de la moindre baisse de ses T4, être à l’écoute de son corps en permanence et les effets secondaires, etc. Et en prison c’est quoi au jour le jour être séropositif ? C’est la survie et le combat permanent pour ne pas sombrer parce que tout est fait pour que tu sombre, autant sur le plan physique que psychologique, car la prison reste un instrument de torture, un lieu de punition. J’avais accès aux traitements mais on est soigné pour être mieux puni. La torture là à un visage plus doux, mais c’est beaucoup plus long. Je parle d’une base de 20-30 ans. Un enfermement de 30 ans, c’est pas la même chose qu’un enfermement de 6 mois, c’est la double peine pour un malade du sida, voir triple puisqu’il y a trithérapie. Mon statut actuellement c’est « placement extérieur », un aménagement de peine qui veut dire que je suis écroué, je suis encore prisonnier, c’est juste au-dessus de la semi-liberté, je dépends d’une association qui m’héberge à l’extérieur mais je suis toujours écroué à la Santé, c’est une période d’essai en quelque sorte, si ça va bien j’ai une levée d’écrou dans un an. Comment as-tu choisi ton/ta médecin actuelLE ? J’ai pris un médecin qui bosse avec la Santé, car on me l’a conseillé, il a une bonne éthique. Quel traitement as-tu pris, prends-tu ? Je m’en souviens plus, je suis sous trithérapie depuis 96, j’en ai changé 3 ou 4 fois. Comment vois-tu l’avenir moléculaire ? Sur le plan boursier : énorme ! Ils vont se gaver, pour le reste c’est l’affaire des pontes de la médecine qui vendront chèrement tous les traitements au reste du monde, car c’est un buisness il ne faut pas l’oublier. Tu annonces tout de suite la couleur/ta séropositivité lors de tes émois sexuels ? J’annonce toujours la couleur, on ne peut pas militer pour faire de la prévention, et ne pas prévenir sa partenaire. Comment vis-tu ? Je travaille, j’écris, je milite, je me bats parce que le combat c’est la vie Dans dix ans, tu te vois comment ? Je me vois à la retraite, après 25 ans de prison et 10 ans de combat militant, là il faudra que je me pose. Je serai dans une oasis, en plein désert, attendant la nuit pour regarder la voûte céleste. Le militantisme, qu’est-ce que cela t’apporte ? J’ai l’impression de servir à quelque chose, et de ne pas oublier ceux qui meurent en prison. Si tu devais changer quelque chose dans ta vie, ce serait quoi ? Mon seul regret, c’est de ne pas avoir écrit la chanson de Piaf « Non, rien de rien, je ne regrette rien …». Qu’est ce que tu dirais à unE séroneg sur le fait d’être séropo ? Je lui dirai protège-toi. Un dernier mot ? Il faut cesser d’être la pièce du puzzle en trop et que les autres nous acceptes enfin nous les séroprisonniers, les bannis parmi les bannis.