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La connaissance de la situation épidémiologique dans les prisons françaises ne repose que sur les résultats d’une enquête menée dans les établissements pénitenciers un jour dans l’année. Ces données sont bien éviemment insuffisantes pour connaître la réalité des épidémies VIH et Hépatites dans les prisons, il est essentiel en termes de santé publique de mieux évaluer le nombre et le devenir des séropositifVEs en détention.

Peu d’études scientifiques sur le VIH et la prison ont été réalisées à ce jour :

A l’heure actuelle, la France ne dispose toujours pas de recueil de données permettant de connaître la prévalence exacte du VIH/sida et des hépatites en milieu carcéral. Ces prévalences, bien que mal connues et simplement estimées par les enquêtes de la DGS dites « un jour donné », restent aujourd’hui largement supérieures à celles du milieu ouvert : 1,56 % de VIH en détention contre 0,5 % dans la population générale ; 4,4 % de VHC en détention contre 1 % dans la population générale[[Source : « Rapport d’experts sur la prise en charge des personnes infectées par le VIH », 2002.]].

Pareillement, il n’existe aucune étude scientifique de cohorte permettant de déterminer si le devenir des séropositifVEs incarcéréEs sous traitements est équivalent à celui des personnes à l’extérieur. Pourtant, ce genre d’enquête a déjà été réalisé en milieu libre (lien entre la qualité de vie et l’observance aux traitements étudié dans la cohorte ANRS C08 – Aproco/Copilote – ou l’évolution vers le sida des sujets ayant une date de contamination connue dans la Base de données Hospitalière Française sur l’infection à VIH – BHFVIH).

Dans la même logique, aucune étude sur la transmission du VIH et des hépatites dans les prisons françaises n’a été conduite à ce jour alors que l’usage de drogue est avéré dans un contexte où l’accès des personnes incarcérées aux matériels de réductions des risques est inexistant. Par conséquent, les associations s’inquiètent du risque de séroconversion durant l’incarcération. Plusieurs enquêtes réalisées à l’étranger tendent à démontrer qu’un nombre important de séroconversions ont lieu durant l’incarcération. Il s’agit maintenant de mieux évaluer le nombre et le devenir des séropositifVEs au VIH et / ou aux hépatites en détention grâce à la mise en place d’études scientifiques.

Mise en place d’une enquête sur la prévalence du VIH et des hépatites en prison :

Notre objectif est d’obtenir la mise en place d’une enquête scientifiquement fiable sur cette question. En novembre 2006, la DGS présentait l’enquête « un jour donné » à Act Up-Paris. A cette occasion, nous leur faisions part de nos réticences en affirmant que la méthodologie utilisée tendaient à sous-estimer le nombre de personnes séropositives incarcérées. Depuis, la DGS en collaboration avec la DHOS a confié la méthodologie de cette enquête actuellement en cours d’élaboration à l’InVS ce qui est une première. Gageons que les résultats recueillis seront plus probants et correspondront au constat fait par les associations. Dans ce contexte, il semble primordial que les associations de lutte contre le sida ayant une action en détention s’empare de ces revendications pour leurs bonnes mises en œuvre. Une fois les résultats connus, il conviendra de s’assurer que ceux-ci soient « valorisés » par des publications dans des journaux scientifiques et des présentations dans des conférences de manière à ce qu’ils s’inscrivent dans un corpus scientifique afin de constituer les premières bases d’une réflexion scientifique sur le sujet en France.

Mise en place d’un recueil de données cliniques et biologiques sur le devenir des séropositifVEs incarcéréEs :

A la fin de l’année 2008, la Base Française de Données Hospitalière (BFDH) va se munir d’un nouveau logiciel, le DOMEVIH. Jusqu’à présent, ce recueil de données n’incluait pas les personnes séropositives incarcérées (sauf au Centre de Détention des Baumettes). La mise en place de ce nouveau logiciel, libre de droit, est une opportunité à saisir pour son introduction en prison.

En effet, la BFDH recueille déjà les données de plus de 40 000 personnes vivant avec le VIH suivies à l’hôpital. Il est important de réfléchir à la mise en place d’un tel recueil de données dans les UCSA (Unités de consultations et de soins ambulatoires). Cet outil permettrait d’évaluer l’évolution de la séropositivité durant l’incarcération et l’éventuel caractère délétère de celle-ci sur l’état de santé des personnes.

Il pourrait s’inscrire dans le cadre de la suspension de peine pour raison médicale, instituée par la loi du 4 mars 2002 et qui concerne les condamnéEs « dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention ». Il convient de souligner qu’en 2007, seules 269 personnes (soit à peu près la moitié des demandes faites) ont pu bénéficier d’une telle mesure alors que sur la même période, près de 400 personnes sont mortes de vieillesse ou de maladie en détention. Cette mesure semble aujourd’hui davantage bénéficier aux personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme qu’à celles dont l’état de santé est durablement incompatible avec la détention, du fait notamment d’une définition floue de cette dernière notion. Il est aujourd’hui essentiel de lui donner un fondement scientifique.

Mise en place d’une étude sur la dynamique du VIH et des hépatites en détention :

Associations et médecins en milieu carcéral s’accordent à constater une hausse des contaminations au VIH et aux hépatites des détenuEs lors de leurs séjours en détention. Mais cette inquiétude ne se fonde que sur du cas par cas et faute de recueil de données, les pouvoirs publics font la sourde oreille quand il s’agit d’introduire en détention l’échange de seringue et la distribution du petit matériel nécessaire à l’injection.

L’enquête Coquelicot sur l’estimation de la séroprévalence du VIH et du VHC et du profil des usagerEs de drogue en France, publiée en 2004, a démontré que l’incarcération favorisait l’exposition au risque en l’absence de matériel d’injection stérile disponible en prison. Parmi les usagerEs de drogue ayant eu au moins un antécédent d’incarcération (soit 61 % des personnes interrogées), 12 % ont eu recours à l’injection en prison et 30 % ont partagé leur seringue au cours d’une période d’incarcération. A cela s’ajoute, les pratiques de scarification, de tatouage, de piercing ainsi que les rapports sexuels consentis ou pas dans un contexte où l’accès aux préservatifs reste difficile.

Ce constat est connu et partagé par l’ensemble des acteurs et actrices de la lutte contre le sida exerçant en détention alors qu’il est minoré du côté des pouvoirs publics qui continuent de nier l’usage de drogue en détention. La mise en place d’une étude sur la dynamique du VIH et des hépatites en détention permettrait, le cas échéant, de réévaluer les actuelles pratiques de prévention de la transmission du VIH par voie sexuelle et de réduction des risque liés à l’usage de drogue. Ainsi que d’étudier les moyens qui leur sont alloués pour ensuite les améliorer et les renforcer.

Il nous semble essentiel que les chercheurSEs et les pouvoirs publics, plus particulièrement le ministère de la Santé et de la Justice constituent une littérature scientifique élaborée à partir d’enquêtes épidémiologiques afin d’améliorer la connaissance des infections par le VIH et les hépatites en détention.

Ces données épidémiologiques seront autant d’outils mis à disposition des médecins et des associations pour faire valoir les droits et les besoins des séropositifVEs incarcéréEs et ne plus ignorer ce pan de la santé publique.