Ce contenu a 22 ans. Merci de lire cette page en gardant son âge et son contexte en tête.

Dans le monde, 21 millions de femmes avancent dans la maladie sans savoir ce que l’avenir leur réserve, car la recherche médicale s’est faite uniquement sur les hommes. Il est pourtant primordial de connaître précisément l’impact de la maladie et des traitements lourds sur nos corps.

Ce n’est qu’à la fin des années 90 que les femmes ont commencé à être le sujet d’essais scientifiques. Menées dans les pays du Sud sur la transmission mère-enfant, ces études annonçaient clairement la couleur, préserver l’enfant en s’empressant d’oublier la mère, une fois l’accouchement terminé. Depuis, quelques essais ont permis d’approfondir les connaissances nous concernant, mais ils ne sont pas suffisants. Aujourd’hui, nous savons que les femmes ne progressent pas plus vite vers le stade sida, mais au même stade de l’infection, elles ont une charge virale dans le sang 2 à 3 fois plus faible que les hommes. peches.jpgEn 2001, l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) a constitué un groupe de travail appelé «Enjeux spécifiques de l’infection VIH chez les femmes». Constatant un grand nombre d’inconnues, ce groupe doit maintenant définir des projets de recherche et ce, plus de 20 ans après le début de la pandémie. En 2002, apparaissait dans le rapport Delfraissy sur la «Prise en charge des personnes infectées par le VIH», un chapitre «Femmes et VIH». Ce recueil de recommandations destiné principalement aux médecins aborde le sujet du traitement des femmes et pour la première fois, indépendamment de leur grossesse. On y insiste sur un suivi gynécologique soutenu, les femmes séropositives étant plus fréquemment sujettes à des infections génitales plus récidivantes et plus compliquées à soigner. Il porte l’attention sur la nécessité d’un suivi attentif de la fonction cardio-vasculaire, les femmes séropositives n’étant plus «naturellement» protégées contre les problèmes cardiaques. Il souligne enfin les risques d’interactions médicamenteuses entre les antirétroviraux et les contraceptifs ou les traitements hormonaux. Le rapport aborde également les effets secondaires des traitements, car si les femmes répondent aussi bien aux multithérapies que les hommes, en revanche, les effets secondaires indésirables sont chez elles globalement différents : accumulation de graisse au niveau du tronc, cholestérol plus élevé, dysfonctionnement mitochondrial, etc. Les résultats partiels d’un début de recherche ont permis de constater que ces effets handicapants étaient souvent la conséquence d’un surdosage des antirétroviraux. Aucune indication n’est donnée par les laboratoires pharmaceutiques sur des posologies spécifiques aux femmes. Dans ce cadre, les dosages plasmatiques des médicaments sont essentiels car ils permettent de corriger une trop faible ou une trop forte concentration de produit dans le sang. Mais quelle place leur est réellement accordée dans la pratique médicale. Par ailleurs, certains médicaments produisent des effets différents selon le sexe : la névirapine (Viramune®) provoque sept fois plus d’éruptions cutanées chez les femmes que chez les hommes, la didanosine (Videx®) trois fois plus de pancréatites, etc. Or à ce jour, ni les laboratoires Boehringer-Ingelheim, ni les laboratoires BMS ne projettent de recherches plus approfondies des effets de leur produit sur les femmes. Quant aux laboratoires Abbott, ils appuient leur publicité pour leur activité VIH en utilisant une jeune femme souriante qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne souffre pas de lipodystrophies, ne semble pas subir de neuropathies, de maux de tête ou de diarrhées et n’est visiblement pas marquée par la fatigue. L’industrie pharmaceutique nous reconnaît comme clientes mais n’a aucune volonté pour prendre en compte nos spécificités. Nous ne pouvons plus accepter une politique sanitaire discriminatoire, ni de la part des médecins-chercheurs, ni de la part des laboratoires pharmaceutiques. Nous refusons cette attitude sexiste à l’égard des femmes séropositives.

Boston février 2003

Pour la 10ème CROI (Conference on Retrovirus and Opportunistic Infections) qui a eu lieu à Boston du 10 au 14 février, la journée du mercredi fut entièrement consacré aux femmes. Il est impressionnant de voir qu’une conférence américaine, purement scientifique, a inscrit dans son programme toute une journée pour les résultats de recherches sur les femmes, «HIV Infection in Women», sans la consacrer uniquement à la transmission mère-enfant. Impressionnant aussi de voir une salle pleine preuve que tout le monde est en attente de résultats. Force est de constater aussi que la grande majorité des médecins et chercheurs présentant ces études étaient des femmes. Tous les détails dans le prochain numéro de Protocoles, notre bulletin d’informations thérapeutiques à destination des malades.