Pour faire annuler ou enjoindre une décision d’une administration, vous devez faire un recours devant une juridiction administrative. Même si l’avocat n’est pas obligatoire pour cette procédure, il est toujours conseillé d’en prendre un. Si vos revenus ne vous le permettent pas, vous pouvez faire une demande d’aide juridictionnelle (voir la fiche Aide juridictionnelle).
LES DELAIS
Selon que vous attaquez une décision ou un refus de répondre de l’Administration, les délais ne sont pas les mêmes.
Il n’est pas toujours facile de savoir si une réponse de l’Administration peut être considérée comme une décision ou un silence de l’Administration.
DECISION DE L’ADMINISTRATION
Il peut s’agir soit d’un arrêté, soit d’une lettre qui vous est adressée. Mais toutes les lettres n’ont pas valeur de décision. Il faut en étudier le contenu.
S l’Administration prend spontanément une décision qui vous porte préjudice, vous avez un délai de 2 mois, à partir de la notification par courrier ou de la publication, pour faire un recours. Si vous êtes à l’étranger, ce délai est de 4 mois. Si vous êtes dans les DOM-TOM, il est de 3 mois.
SILENCE DE L’ADMINISTRATION
Si à la suite à votre démarche auprès d’une Administration, vous recevez soit une demande de renseignements supplémentaires, une réponse d’attente ou un simple accusé de réception de votre courrier, cette réponse équivaut au silence de l’Administration.
Le silence gardé par l’Administration pendant plus de 4 mois revient à un rejet de votre demande. Il s’agit d’une décision implicite de rejet. Vous pouvez alors contester cette décision de rejet auprès du Tribunal Administratif. Si vous saisissez cette juridiction avant l’expiration des 4 mois, elle attendra la fin de ce délai avant de statuer.
Attention !
Certaines mesures échappent à ce délai. Par exemple, le délai de recours contre un arrêté de reconduite à la frontière est de 24 heures suivant la notification de l’arrêté.
De plus, si les délais ou les voies de recours ne sont pas mentionnés dans la notification de décision de l’Administration, il n’y a en principe aucun délai particulier pour agir. Cela dit, il peut s’agir d’une erreur de l’Administration. Il est donc conseillé de se renseigner à chaque fois que les délais et voies de recours ne sont pas mentionnés sur les documents que vous adresse l’Administration. Si vraiment il n’y a aucun délai particulier pour agir, il est conseillé d’agir aussi vite que possible.
Enfin, si aucune réponse ne vous est faite lorsque vous exigez les motifs d’une décision implicite de l’Administration (celle-ci ayant l’obligation de se justifier), la décision administrative peut être tout simplement annulée parce qu’illégale. Vous pouvez saisir le Tribunal Administratif pour annulation à n’importe quel moment. Il n’y a pas de délai. Gardez toujours les preuves de votre demande d’énonciation des motifs (copie de la demande et accusé de réception).
Si vous demandez à bénéficier de l’aide juridictionnelle, le délai de recours est interrompu. Son nouveau point de départ est fixé à la date de notification de la décision du bureau d’aide juridictionnelle.
LA JURIDICTION COMPETENTE
Vous devez effectuer votre recours auprès du greffe d’un Tribunal Administratif.
Si vous contestez un refus d’entrée sur le territoire en tant que demandeur d’asile, c’est le tribunal administratif de Paris qui est compétent (car c’est le Ministère de l’Intérieur qui prend la décision de refus d’entrée).
Si vous contestez un arrêté d’expulsion, c’est le Tribunal Administratif du lieu de résidence à la date de la notification qui est compétent. Le lieu de résidence peut être le lieu d’incarcération.
Si vous ne résidez plus en France et si vous désirez agir contre un refus d’abrogation d’un arrêté d’expulsion, vous devez saisir le tribunal administratif de Paris.
Vous pouvez appeler votre préfecture ou aux greffes des tribunaux pour obtenir des renseignements sur le ressort des tribunaux.
LE DOSSIER A PRESENTER
Vous devez présenter votre demande de recours sur papier libre. Vous y indiquerez vos nom, prénoms et adresse, éventuellement votre date de naissance et votre nationalité. N’oubliez pas de la dater et de la signer.
Pour être recevable, votre demande doit être rédigée en français.
Votre demande exposera les faits, votre motivation en droit et les conclusions que vous en tirez en terme de préjudice.
Nous vous conseillons toujours de rédiger cette demande à l’aide d’un avocat ou d’une association spécialisée.
Votre requête sera présentée en 3 exemplaires.
Vous devrez y joindre les pièces nécessaires à l’information des juges (certificat de travail, fiches de paye, photocopies certifiées conformes de vos titres de séjour ou de travail …).
Pour certifier conforme une copie, vous devez y apposer la mention «pour copie conforme», parapher chaque page et faire certifier votre copie conforme en mairie.
Vous devrez, enfin, joindre la photocopie de la décision attaquée. Si vous ne l’avez pas à votre disposition, l’Administration sera sommée de la produire.
En cas de décision implicite de l’Administration (donc d’absence de document attaquable), on vous demandera la copie de la demande initiale et l’accusé de réception.
Les frais, pour ces démarches, sont de 100 F en timbre fiscal.
SUSPENSION DE L’EXECUTION DE LA DECISION – PROCEDURES D’URGENCE
Un recours n’empêche pas l’Administration d’exécuter la décision. Pour obtenir la suspension de l’exécution, c’est auprès d’un autre magistrat que vous devez intervenir et obtenir un référé aux fins de sursis à exécution. Il s’agit d’une procédure indépendante devant les juridictions administratives.
La demande de sursis est distincte du recours pour excès de pouvoir, et, évidemment, elle ne peut être valable si la décision a déjà été entièrement exécutée.
La loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives organise trois procédures de référé qui remplacent celle du sursis à exécution. Il s’agit :
– du référé suspension ;
– du référé liberté ;
– du référé conservatoire.
- Le référé suspension (article L. 511-1 du Code de justice administrative)
Cette procédure, qui se substitue au sursis à exécution, permet au juge des référés d’ordonner la suspension d’une décision administrative à la double condition que l’urgence le justifie et qu’il y ait un moyen propre à créer un doute sérieux quant à légalité de la mesure en cause.
La requête ne sera recevable que si la décision administrative contestée fait l’objet par ailleurs d’une requête en annulation ou réformation.
Les décisions administratives, même de rejet, peuvent sont susceptibles de suspension. - Le référé liberté (article L. 512-2 du Code de justice administrative)
Le juge peut ordonner « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, porte une atteinte grave et manifestement illégale ».
Les conditions requises sont donc :
– l’atteinte à une liberté fondamentale ;
– le caractère grave et manifeste de l’atteinte à cette liberté.
La demande doit montrer également la nécessité d’intervention immédiate du juge.
Le juge doit se prononcer dans un délai de 48 heures.
Le juge peut adresser des injonctions à l’administration pour faire cesser le trouble à l’exercice du droit ou liberté en cause. - Le référé conservatoire (article l.521-3 du Code de justice administrative)
Il permet au juge administratif, en cas d’urgence avérée, d’ordonner toutes mesures utiles « sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ».
Il permet le prononcé d’injonctions (en dehors du référé liberté) à une personne privée ou publique (communications de documents administratifs notamment).
Par ces trois référés, le juge se prononce au terme d’une procédure contradictoire, soit écrite, soit orale. Les requêtes sont dispensées du droit de timbre (article L. 522-2).
Le caractère traditionnellement écrit de la procédure accentuait la lenteur de la décision. Le recours à l’oralité des débats présente le double avantage de respecter le principe du contradictoire et de pouvoir statuer dans des délais plus brefs.
Le juge statue en audience publique et ses décisions peuvent faire l’objet d’un recours en cassation.
RESULTAT DE LA DEMANDE D’ANNULATION
Si la juridiction administrative vous donne raison, la décision de l’Administration est annulée. En revanche, votre demande initiale n’est pas pour autant acceptée. Vous devrez en déposer une nouvelle, à moins que le juge n’ait condamné l’Administration à prendre une décision.
Si la juridiction administrative vous donne tort, la décision de l’Administration est maintenue et vous devrez payer les frais de procédure.
VOIES DE RECOURS
Vous disposez encore, dans certains cas, d’une possibilité d’appel contre la décision du Tribunal Administratif.
Les délais sont de 2 mois après la notification du jugement. Ils sont réduits à 1 mois si la notification concerne un jugement sur la légalité d’un arrêté de reconduite à la frontière.
Votre appel devra généralement être fait devant la Cour administrative d’appel (refus de séjour, mesures d’éloignement).
Il en existe 7 en France : à Douai, Bordeaux, Lyon, Nancy, Nantes, Paris et Marseille.
Pour certaines décisions, le Conseil d’Etat est compétent en premier et dernier ressort : c’est notamment le cas pour les jugements portant sur des actes réglementaires. Dans ce cas, la demande sera faite dans les mêmes conditions qu’exposées ci-dessus, devant le Conseil d’Etat, dans un délai de 2 mois suivant la notification ou la publication de la mesure faisant grief.